"Le Gêne Égoïste" est un de ces livres qui marque votre année de lecture.... Le sujet en soi est passionnant: l'évolution darwinienne observée au plus près par un éthologue de renom. Richard Dawkins, qui est entre-temps devenu le fer de lance de la pensée athée en Europe, nous donne à lire non pas un pensum scientifique barbant et lourd à souhait, mais une véritable littérature scientifique de très haut niveau qu'on parcourt avec plaisir et étonnement. Ceci dit, les enfants, comme le singe de Darwin, il s’agit parfois de s'accrocher aux branches dans certains passages... :-)

Darwin nous a expliqué la sélection naturelle il y a 150 ans. Cette théorie a agité depuis le monde scientifique pour devenir une des plus belles pierres d'angles (et l'une des mieux prouvées, n'en déplaise aux créationnistes) de la Raison humaine. Richard Dawkins revisite ce monument en ajoutant sa touche personnelle : il ne s'agit plus de croire à la sélection qui préserverait les espèces (Dawkins s'oppose à cette notion de groupe) mais bien d'une sélection qui préservera une entité fondamentale de la Vie : le Réplicateur. Le Réplicateur est la Vie même. Il est ce qui se reproduit, survit et traverse les millénaires. Nous connaissons ce Réplicateur qui a commencé dans la soupe primordiale de la mer. Il s’agit du gêne, ce minuscule morceau d'ADN qui cherchera par tous les moyens à survivre au Temps.

Dawkins nous propose l'extraordinaire vision du monde darwinien : nous, les individus, hommes ou animaux ou plantes, ne sommes que des "machines à survivre", inventées par les réplicateurs (le gêne) pour traverser les millénaires. Ces machines sont améliorées (et le succès des gênes jugé) par la sélection naturelle. Le gène se soucie peu de nous, il attend que nous fassions notre travail: le transmettre à un autre véhicule pour continuer son chemin. Réfléchissez une minute sur le concept....

Ce livre est une mine d'observations éthologiques et biologiques sur le monde du vivant. Oiseaux, poissons, insectes et autres nous livrent les stratégies de survie de leurs gênes, et nous révèlent des mécanismes d'une somptueuse ingéniosité. Dawkins, après les faciles premiers chapitres, nous entraîne sur des concepts plus lourds comme l'ESS, peut-être la plus importante notion ajoutée au Darwinisme : "Evolutionnary Stable Strategy ". Dawkins décrie les comportements amoureux, territoriaux, reproducteurs qui montrent que les êtres vivants sont engagés dans une lutte arbitrée par la sélection. L'ESS est le comportement qui préservera dans la durée les équilibres et la survie du gène, sans risque d'effondrement de population. Parfois ce comportement sera la fuite automatique, parfois, ce sera l’agression, parfois la symbiose chimique, l'inclusion totale comme les mitochondries, etc... Bref, c'est la façon de vivre qui assurera la pérennité du gène et de l'espèce. Dawkins note que le gène peut coder à distance l'organisme ... d'une autre espèce, ce qu'il appellera "The extended phenotype", autre bouquin à lire (soupir)...

Difficile de ne pas être fasciné par le discours de cet ouvrage. Aucun " intelligent design", aucune intervention magique, juste des mécanismes de jeu. Car c'est vers cette conclusion que tendra le livre : tous les êtres jouent au "Jeu du prisonnier", célèbre jeu mathématique inventé pour l'Economie, mais qui modélise la situation des conflits du vivant en assignant des points de pénalité et de récompense selon que l'organisme coopère ou combat son environnement. La conclusion de Dawkins est assez bluffante : dans ce jeu incessant, c'est la coopération et non le conflit (comme on veut nous le faire croire si souvent) qui gagne et qui progresse dans le monde du vivant. A méditer !

Livre extraordinaire, donc, pas si long que cela, qui étonne de bout en bout. J'ai trouvé certes un peu étonnant un chapitre sur les "memes", idées et concepts qui se répandent dans la sphère de pensée de l'Humanité et sont une nouvelle forme de réplicateurs. (Et Dawkins ne parle pas de ces nouveau replicators que sont les programmes informatiques, mais le livre est de 1976...)
Je ne peux recommander assez ce bouquin qui en plus d'exploser vos idées sur la Nature, vous donnera bien des raisons de vous émerveiller.
nostromo
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le 18 mars 2015

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nostromo

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