Dans les ruelles de Prague, je me cherchais et j'étais partout
Il y a des livres qui ne sont pas faits pour être lus mais pour être vécus. "Le Golem" est avant tout une expérience des sens, ceux que vous avez dans votre tête et que vous ne soupçonnez même pas. Au début, on se dit que, après tout, l'histoire est plutôt terre-à-terre. Un scandale qui implique une dame noble, un vieux brocanteur juif archétypal, une histoire de haine reliant plusieurs hommes... par-dessus tout ça on étalerait une bonne vieille histoire de golem, le grand type moche pas vraiment vivant qui erre dans la ville en faisant peur à tout le monde. Un fantastique classique, en somme... Sauf que le livre de Meyrink n'est rien de tout ça.
Dès le début il y a des indices pourtant. Des scènes qu'on ne comprend pas. Sans raison, l'auteur délire pendant quelques paragraphes et puis retrouve le fil conducteur de son histoire. Hallucinations du narrateur ? Réflexions méditatives ? Tentatives étranges de poésie ? Ce côté psychédélique semble tout d'abord assez mal assorti au contexte général. Et puis on comprend. Même si beaucoup de choses peuvent encore nous échapper un moment.
A mi chemin entre le roman gothique et le baroque, Meyrink nous perd dans un labyrinthe littéraire qui épouse au mieux le dédale matériel de la vieille Prague. A la recherche de notre âme. A la recherche de notre double. Le golem n'est que l'une de ses représentations, et vraiment pas la plus présente dans l'histoire. L'idée principale est plutôt d'éveiller le lecteur à la magie de l'existence, aux vérités de l'occultisme, aux dimensions parallèles traversées par l'âme. Chaque page est une nappe de ténèbres qui s'entrouvre sur des légendes pleines de personnages fantomatiques qui traversent des lieux moitié réels, moitié mythiques.
Hymne mystique aux symboles qui innervent notre monde et lui redonnent sens, le premier roman de Gustav Meyrink réussit un très beau mariage entre kabbale, alchimie et hermétisme d'un côté, et les passions et les soucis sans fin de la vie matérielle de l'autre.
P.S. A lire de préférence aux Editions Stock qui proposent la traduction de Denise Meunier.