Une dystopie très très noire, matinée d'une once de fantastique, voilà en résumé ce qu'est à mon sens "Le goût de l'immortalité". Et pour être honnête, deux facteurs ont un peu atténué mon plaisir en tant que lecteur.
En premier lieu, l'action se déroulant en Mandchourie, à Shanghai et en Polynésie, l'ouvrage est fortement imprégné de références à la culture chinoise (et/ou mandchoue). Force m'est de constater que je n'avais pas (et que je n'ai toujours pas) les bases suffisantes pour pouvoir ni comprendre, ni apprécier pleinement.
Deuxièmement, je dois bien admettre que le style d'écriture m'a un peu dérouté. Le roman se présente sous la forme d'une lettre, écrite par la narratrice, à destination d'un mystérieux correspondant. Cette dernière ayant reconstitué les événements ...par des recherches sur le réseau, une sorte de super-web. Mêlant l'imparfait, le passé simple et le présent narratif, elle évoque par petites touches le monde dans lequel elle vit et a vécu. Il semblerait que tout cela procède d'une forme d'hommage à Marguerite Yourcenar (Les mémoires d'Hadrien), que je n'ai jamais lu. Et là encore, il me manquait probablement un peu de background pour apprécier pleinement.
N'allez cependant pas croire que je n'ai pas apprécié la façon dont cet ouvrage est écrit. J'y ai trouvé quelques très bons passages, notamment les toutes dernières pages dans laquelle la narratrice disserte autour de l'idée qu'il vaut mieux vivre en enfer qu'être mort et au paradis : la vie est une drogue. Et puis, de ci, de là, quelques fulgurances d'une cruelle lucidité. D'ailleurs, je ne résiste pas à l'envie d'en citer une :
Le plus ennuyeux, en matière politique, est que chacun des participants croit qu'il est seul à avoir Sun Tzu et Machiavel. Résultat, vous y croisez cent mille connards qui nomment tactique leur sauvagerie, influence le goût des autres pour leur argent, efficacité leur absence de vues à long terme, réalisme leur manque de convictions et victoire les bourdes du camp d'en face. Le pire est que tous ces abrutis osent donner le beau nom de "vie de la cité" à ce qui n'est qu'un sport sanglant. Joli, non ?
Sinon, en me resituant dans mon habituel référentiel en matière de SF, la plupart des personnages ont de l'épaisseur et sont plutôt convaincants (exception faite peut-être de Path, un poil trop grand guignolesque) et le scénario est très solide. L'aspect dystopique est - comme je l'ai mentionné en introduction - très noir, mais intéressant : il y est question de la Terre, en 2213, sur laquelle le vivant a quasiment disparu, exception faite de quelques virus particulièrement agressifs et des humains, auxquels les progrès technologiques permettent de survivre (du moins pour ceux qui ont les moyens d'y accéder). Est-ce là le monde que nous laisserons à nos enfants ?