Paris libéré?
Ce livre est grisant par instant, drôle, souvent. Énervant, parfois. Tout ça tient au talent paradoxal d'Aurélien Bellanger : une capacité de conceptualisation hors normes. En découle nécessairement...
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le 10 févr. 2017
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Le Grand Paris, 3em roman d'Aurélien Bellanger (1er "La théorie de l'information", 2em : "L'aménagement du territoire"), dont la première publication portait sur Houellebecq. Et le lien était fait, forcément, entre ces deux auteurs, mais ce serait limiter le talent de Bellanger que le considérer comme un ersatz de Houellbecq, bien au contraire, ce livre, s'inscrit entièrement dans le cheminement des 2 précédents romans, et j'irais même jusqu'à dire qu'il constitue à la fois l'aboutissement de cette réflexion et l'émancipation complète vis à vis du maître, même si cette filiation n'a toujours été plus que théorique que pratique. Il est toujours nécessaire de catégoriser ou d'identifier des sources d'inspirations pour se retrouver.
Le récit a pour narrateur Alexandre Belgrand (A.B comme l'auteur) dont on va suivre le parcours, de sa jeunesse banlieusarde bourgeoise à son ouverture au mysticisme, en passant surtout par son activité d'urbaniste auprès du dénommé 'Prince', un certain président de la République qui aura voulu influer un élan au projet du Grand Paris, dont notre narrateur va se retrouver grand conseiller.
Il est important de préciser que Bellanger est amoureux de théorie et d'abstraction global. Au final, il y a très peu de dialogue et peu de réel action. L'accent est donné sur de long monologue et considération théorique voir théologique sur notre société occidentale, la ville en général et la spécificité de Paris dans sa construction, son histoire passée et future. Le roman est complètement transcendé par cette volonté de l'auteur de rester à un niveau d'intellectualisation de toute considération pratique. A sa lecture, on a l'impression d'être confronté à une vrai objet littéraire, une pépite dans la production un peu formatée qui existe aujourd'hui. Sa lecture est fluide mais soutenue au vu du style et il parait difficile d'être juste modéré sur le ressenti, soit on est emballé, et c'est mon cas, soit on reste étranger à ces considérations, à la forme et au fond de ce livre un peu prétentieux il faut l'admettre.
Concernent le lien avec Houellbecq, il se manifeste sur plusieurs aspects, d'abord, le narrateur toujours dépressif et en manque de repaire dans notre société moderne, et le fait aussi de mêler fait réel et fictif. Mais là ou Bellanger s'avère bien plus à l'aise avec son époque que Houellebecq, c'est qu'il assume complètement l'usage de la matière brute que peut constituer internet (plus particulièrement wikipedia) et l'intègre sans scrupule dans son objet littéraire, s'en appropriant la précision vertigineuse pour influer une profondeur technique au récit. Le procédé peut paraître un peu crapuleux, mais ce n'est pas le cas car il existe un effort palpable pour pétrir cette glaise afin d'en extraire l'essence nécessaire au récit. Ce n'est pas un copié collé méchant bien au contraire, un grande différence avec les manipulations un peu grossières (aussi bien vu du point de vue du récit que de l'éthique même de l'usage trop brut de cette ressource) de Houellebecq sur ce même principe.
Au final, l'oeuvre est dense, profonde, riche de code et de double sens (le nom des personnages etc...), un peu pompeuse dans sa forme, un peu de légèreté et d'humour aurait allégé le tout, mais tellement recommandable de mon point de vue. Probablement l'aboutissement d'une recette, en espérant que le prochaine oeuvre sache renouveler le procédé qui pourrait s'épuiser sur la longueur (à la manière de Houellebecq qui donne l'impression de décliner le même principe de ces 3 premières livres sur différents thèmes un peu racoleur).
Créée
le 10 mars 2017
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