Ce livre est grisant par instant, drôle, souvent. Énervant, parfois. Tout ça tient au talent paradoxal d'Aurélien Bellanger : une capacité de conceptualisation hors normes. En découle nécessairement une écriture pouvant être perçue par le lecteur comme (très)prétentieuse, renforcée par un récit à la première personne de type "gros con de droite". On est facilement captivé par la capacité de l'auteur à jongler avec les concepts, à croiser l'urbanisme, l'histoire, la politique, l'anthropologie, pour construire en quelques lignes une théorie aussi alléchante que fumeuse. On saluera également sa tentative de réenchantement de la banlieue parisienne, son observation minutieuse de ses contrastes, de ses disparités, de son histoire; mentions spéciales pour la description hallucinée des soirées étudiantes à Cergy-Pontoise, et pour le pèlerinage compostelo-francilien de la fin. Une entreprise inédite, tout comme l'est la volonté de chroniquer les années Sarkozy, de mettre à jour les mécanismes de cette curieuse parenthèse de l'histoire très récente.


Tout cela fait-il un bon roman? La question se pose, tant apparaît dans l'esprit du lecteur, au moment de refermer le livre, un sentiment de confusion. Au machiavelisme à tendance complotiste du début succède une crise existentielle du narrateur, qui trouve son dénouement tardif de manière facilement provocatrice. Le Grand Paris apparaît comme la succession d'un même exercice décliné à l'infini : la théorisation à outrance du monde. Dans cette geste audacieuse et orgueilleuse, la narration n'est qu'un fil rouge, un prétexte un peu effacé. De ce point de vue, L'aménagement du territoire proposait, par la cohérence de son jusqu'au-boutisme et l'apothéose de sa conclusion, quelque chose de plus satisfaisant.

Lebriard
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le 10 févr. 2017

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