Retour de lecture sur "Le grand sommeil" premier roman écrit par Raymond Chandler en 1939 avec une traduction en français de Boris Vian. le titre est surtout connu pour avoir été adapté à l'écran par Howard Hawks en 1946, tournage qui a permis la rencontre du couple mythique Humphrey Bogart et Lauren Bacall. Si le film est culte, le livre n'est pas moins une référence dans le roman noir américain puisque Chandler a tout simplement inventé ce genre littéraire avec ce roman. On y trouve le début des aventures de son héros devenu par la suite célèbre, le détective Philip Marlowe. Celui-ci, ex-flic et gros bras, est engagé par le général Sternwood pour enquêter sur le chantage subi par l'une de ses filles. le général est mourant et sa fille totalement ingérable. L'enquêteur va ainsi côtoyer des mafieux, des types louches, des femmes fatales, tomber sur des cadavres et ainsi plonger dans une affaire crasseuse. Ce Philippe Marlowe, avec son chapeau, sa cigarette et ses doubles whiskys, est devenu depuis, dans l'imaginaire de tout le monde, le parfait représentant du détective privé. L'histoire se passe dans le Hollywood de la fin des années 30, tout au début de son âge d'or, lorsque ce quartier de Los Angeles était encore en plein développement ce qui ne manquait pas de créer un appel d'air pour la criminalité. Dans ce roman noir tout est dans l'ambiance et le climat poisseux, entretenus par des personnages tous hauts en couleurs. Tout y est : les meurtres, l'alcool, le sexe, mais cela n'a rien à voir avec ce qui s'écrit de nos jours. C'est un des intérêts de ce roman, puisqu'il témoigne de cette époque révolue et mythique de l'après prohibition aux États-Unis. le sens du mot criminalité n'était pas le même. Pour montrer à quel point on est dans un autre monde, une autre époque, on peut noter que la cause de l'engagement de Marlowe, et point de départ de ce récit, est un chantage lié à la diffusion de simples photos de nus de la fille du général, une paumée qui se drogue. Malgré son style relativement nerveux, l'écriture de Chandler, qui mêle ironie et sarcasmes, est aussi très belle et surclasse encore aujourd'hui celle de la plupart des auteurs de polars. Une écriture qui est magnifiquement mise en valeur par la traduction de Boris Vian. L'intrigue est complexe, pas forcément évidente à suivre, mais elle est très bien construite et Chandler réussit à mettre en place un suspens plutôt efficace. Au final c'est un excellent roman policier, très cohérent, entre son personnage principal, le détective Marlowe, les personnages secondaires, et une belle intrigue dans un environnement et climat parfaitement rendu et dessiné. Un livre qu'il convient d'aborder d'abord comme le témoignage d'une époque et de la naissance d'un nouveau genre littéraire, pour pouvoir en apprécier ensuite son côté policier.