Alors qu’il était hospitalisé pour une greffe de moelle osseuse et qu’il se battait pour sa vie, l’auteur demandait pour la première fois à son père de lui raconter les détails de son enfance. Six ans plus tard, il publie l’histoire du petit Mainou, qui, en 1944, sa mère venant de mourir en couches, est envoyé par son père chez sa grand-mère en Lorraine, de l’autre côté de la ligne de démarcation. Il y vit la dernière année de guerre, caché à la ferme familiale, sous la protection de l’aïeule, de l’oncle Emile et de la tante Louise, qu’il ne connaissait pas auparavant.
Humour, tendresse et poésie : Mathias Malzieu a trouvé l’exacte justesse de ton pour nous faire vivre à hauteur d’enfant le séisme qui anéantit l’existence d’un garçonnet au décès brutal de sa mère et à son exil clandestin chez des inconnus, sa sidération face à ce qu’il percevra des réalités de l’Occupation, et sa courageuse résilience au contact de très braves gens qui compteront désormais énormément pour lui. Le danger est de tous les instants, pendant le trajet puis au quotidien, le contraignant à vivre confiné à la ferme dont il connaît bientôt tous les recoins, à commencer par la cave où tous se serrent pendant les bombardements, mais pas encore le grenier qui semble abriter un mystérieux fantôme. Les adultes s’y laissent percevoir au travers de son regard et de ses raisonnements d’enfant, et c’est à la lumière de ses chagrins et de ses angoisses, de sa curiosité et de ses étonnements, que l’on s’attache avec lui à chacun de ces si humains personnages. Si tous acquièrent une authenticité et une présence remarquables, l’on éprouvera une affection toute particulière pour l’oncle Emile et son imagination poétique, à l’origine de quelques reparties et considérations savoureuses. Sans oublier, bien sûr, le cigogneau Marlene Dietrich…
Davantage encore que l’habileté de l’auteur à recréer des personnages impressionnants de vie et d’humanité, c’est son écriture à fleur d’émotions qui marque sans doute le plus durablement le lecteur. Délicieusement inventive et imagée, elle nous fait traverser la tragédie sur un nuage de légèreté aussi naïve que sincère, aussi pleine de bon sens que de fantaisie merveilleuse, aussi drôle que touchante. Et l’on ressort conquis de ce voyage de Mathias Malzieu dans l’enfance de son père, à qui il adresse ici le plus beau message d’amour filial qui soit. Coup de coeur.
https://leslecturesdecannetille.blogspot.com