"Plus de fantastique, plus de croyances étranges, tout l'inexpliqué est explicable. Le surnaturel baisse comme un lac qu'un canal épuise ; la science, de jour en jour, recule les limites du merveilleux."
Voilà ce que dit un personnage dans La peur (2).
Et moi j'ai l'impression que c'est Maupassant qui s'adresse à nous. Je crois qu'il était déçu de voir se tarir sous ses yeux ce beau fantastique, ce joli mystère. Je trouve qu'il lui a rendu un vibrant hommage en écrivant le Horla et toutes les autres nouvelles fantastiques.
Ah oui car il s'agit de fantastique. Pas d'horreur, pas d'épouvante, pas de thriller, pas de gore, jeunes gens du XXIème siècle ! Ok, votre prof de français vous a obligé à lire ce livre, mais ce n'est pas une raison pour ne pas comprendre que vous lisez du fantastique. Donc pour qu'on parte tous ensemble sur de bonnes bases, une petite définition, selon mon dico étymologique et historique semble nécessaire :
Fantastique vient du grec phantastikos qui signifie "qui concerne l'imagination", puis a voulu dire au XVIème siècle "rêveur, insensé, extravagant", puis au XIXème siècle (donc celui de Maupassant) "imaginaire, surnaturel".
Alors arrêtez, par pitié, avec vos "j'aime pas car je n'ai pas peur".
Non, le Horla et les autres nouvelles fantastiques ne font pas peur. Elles sont une rencontre entre la réalité et l'imaginaire, entre le normal et le paranormal. Maupassant s'amuse à jouer avec le vrai, le faux, le bizarre et le rassurant. Il devient artisan. Il tisse des toiles d'araignées qui ressemblent à des mondes à côté du notre. Mondes dans lesquels des extravagants mystères sont possibles.
C'est un aller-retour perpétuel entre la folie et l'esprit équilibré. Et les personnages, eux, prennent de plein fouet cela et ne s'en relèvent pas toujours.
La grande force de Maupassant, c'est de nous plonger dans ses petites histoires la tête la première. On ne remonte la tête à la surface qu'à la fin de la nouvelle, et encore !
Il nous a fait la piqûre de surnaturel qui nous manquait. D'autant plus, nous, Hommes du XXIème siècle, encore plus englués dans la science et la vérité empirique que l'Homme du XIXème siècle. Et après cette enivrante piqûre, le mystère a montré le bout de son nez, on peut repartir dans nos vies bien naturelles et terre à terre avec un sourire complice. Complice avec Maupassant, qui doit être satisfait d'avoir fait son boulot.