Maupassant a du Poe d'avoir un Bel Ami comme Edgar
Moi qui ne suis pas un grand amateur des recueils de nouvelles, celui-ci a amplement rempli sa mission. Me faire découvrir plus amplement l’œuvre de Maupassant, qui se résumait pour moi jusqu’alors à Bel Ami étudié et lu au lycée, et aussi me divertir entre deux romans et essais.
Nous avons à faire ici à une compilation de 18 nouvelles, très courtes dans leur ensemble, mise à part Le Horla qui déroge un peu à cette règle, d’un genre fantastique, surnaturel, à l’occasion de laquelle Maupassant pourrait s’inscrire dans la lignée d’un Edgar Allan Poe. Et ce fut ici ma première surprise, moi qui ne voyais avec mes yeux d’ancien lycéen en Maupassant qu’un écrivain classique de la littérature française. J’avais donc, relativement, un peu d’appréhension en ouvrant ce recueil, ayant un peu peur d’un style trop classique, pompeux et terne (malgré le fait que je garde plutôt un « bon » souvenir de Bel Ami, pour une lecture imposée dans le cadre scolaire).
Et la première surprise fut stylistique, n’ayant plus trop de souvenirs précis sur la prose de Maupassant, je n’ai pu que (re)découvrir un écrivain plaisant et qui ne lasse pas par un style touffu ou trop envolé. C’est clair, précis, aéré, et ça va droit au but, voire même doté d’un certain aspect poétique, qui nous fait tourner chaque page avec entrain.
L’auteur, doté d’une plume remarquable, réussi à installer à chacune de ses histoires une ambiance propre qui fait mouche la plupart du temps, et ceci en seulement quelques pages. Son vocabulaire est riche et bien adapté à la situation, basé en particulier sur un vocabulaire ayant trait aux ambiances pesantes, mystérieuses, angoissantes, et obscures, ce qui permet de faire ressortir le côté étrange et cabalistique de chaque situation auxquelles sont confrontés les personnages de ses différents écrits et notamment de mettre en lumière leur fragilité face à l’inconnue, l’inexplicable, l’irrationnel, qui peut enfin de compte amener chacun de nous à tomber à son tour dans une spirale infernale
Bien entendu, qui dit recueil, dit profusion de nouvelles, dit variation de qualité, et évidemment toutes ne vont pas plaire de la même façon à chacun, peut-être à cause d’une certaine répétition. Certaines m’ont laissé de marbre. Trop classiques, trop ternes, pas assez sombres, malgré des points communs évidents avec les autres, tel le Tic, la Chevelure, la Main, Conte de Noel. Mais heureusement, certaines jouissent d’une ambiance plus poisseuse, brumeuse, énigmatique beaucoup plus frappante tel Sur l’eau (voir la critique très juste de SanFelice http://www.senscritique.com/livre/Sur_l_eau/critique/28667047), La Peur, Lui, Apparition, Lettre d’un fou (pour ne citer que les premières) et bien entendu la renommée et anxiogène Le Horla, sur la déchéance, le basculement vers la folie d’un homme harcelé par une entité mystérieuse et oppressante, pièce centrale du recueil qui offre une formidable tribune pour que Maupassant condense sa maitrise de l’ambiance fantastique et déploie à cette occasion tout son style imagé.
Pour conclure, je dirais que comme me l’a si bien dit notre camarade Nushku, Maupassant n’est pas avant tout reconnu pour ses écrits fantastiques, sympathiques soit ils au demeurant. Alors je sais ce qu’il me reste à faire maintenant. Et pourquoi pas redécouvrir Bel Ami avec un nouveau regard.