Découverte de l’œuvre Marivaudienne et nouvelle possibilité d'auteur dont l'approfondissement serait réjouissant.
Marivaux au collège et au lycée, c'est un peu l'auteur qu'on a du mal à placer sur les frises. Après tout le XVIIIème siècle c'est Les Lumières, et puis voilà, non ? Non, et Marivaux gagnerait à être mis plus en avant dès le plus jeune âge car plus accessible à un public plus naturellement réfractaire à Racine par exemple (je dis pas qu'il ne faut plus mettre Racine sur les frises chronologiques E-Vi-De-Mment).
Dans cette pièce inspiré des farces et du théâtre italien (joué par cette troupe à l'origine d'ailleurs), on se retrouve face à la bien connue inversion des rôles entre le maître et le valet. Cela implique une lecture politique de l’œuvre qui s'exprime par l'incapacité des bourgeois à se fondre dans le personnage des valets et inversement car trop ancrés dans leur classe sociale.
Cette idée saugrenue qu'ont eu les deux protagonistes « d'observer » leur futur est une aubaine pour nous car grâce au père et au frère de la future épouse (Sylvia) qui eux connaissent (et entretiennent) le pot au rose, les quiproquos et les maladresses nous donnent le sourire.
Quant aux deux valets déguisés en gens de bonnes conditions, ils semblent tout à fait parodiques, bons enfants et attendrissant quand ils retrouvent la simplicité de leur langage et de leur condition.
La force de cette pièce réside pour moi dans sa simplicité, tant dans l'intrigue, que dans l'objectif final, que dans la temporalité. Tout nous est donné et c'est très reposant.
La plume et la prose sont parmi les meilleurs que j'ai eu l'occasion de découvrir dans le théâtre et rares sont les textes où le rythme est aussi bien maitrisé et où il coule de source pour le lecteur. L'expressivité des personnages facilite grandement la représentation visuelle que je m'en fais sur scène.
Les commentateurs de l'époque suggéraient que le 3ème acte était de trop. Je ne suis qu'à moitié d'accord. Certes les dés sont jetés mais la pièce s'intitule Le Jeu et Sylvia qui a autant de cartes en mains que nous désormais, a le luxe de faire appliquer ses propres règles. Le personnage n'est d'ailleurs pas vraiment attachant, elle semble quand même être une bien belle manipulatrice mais peu importe, on laisse parler notre suspension consentie d'incrédulité et on lit la pièce se finir tranquillement avec un Dorante qui aura tout donné pour un coup de foudre et une happy end des plus réjouissante.
En bref, une pièce exemplaire sur bien des plans.
« J'espère que son amour me fera passer à la table en dépit du sort qui ne m'a mis qu'au buffet » (Arlequin, III-2)
« En changeant de nom tu n'as pas changé de visage, et tu sais bien que nous nous sommes promis fidélité en dépit de toutes les fautes d’orthographes » (Lisette, III-6)