Je dois avouer que je suis très surpris de voir autant de détestation gratuite pour le dernier texte d'Annie Ernaux, Le Jeune Homme, je présume que c'est bien plus une attaque contre l'autrice que contre l'oeuvre elle-même, mal comprise semble-t-il.
Le Jeune Homme n'est pas à proprement parler un roman, à peine peut-on parler de nouvelle. Dans cette trentaine de pages écrites majoritairement entre 1998 et 2000, reprises en 2022, Annie Ernaux analyse avec subtilité une relation qu'elle a eu dans les années 90 avec un jeune étudiant, de 30 ans son cadet.
Elle réfléchit sur ce qu'elle lui trouve, sur ce que cela révèle en elle de sa condition sociale première, de son propre passée, de son rapport au temps passé et au temps futur. C'est une réflexion très fine et puissante permettant aussi d'éclairer l'écriture de l'Evènement et de Les Années.
Le Jeune Homme n'est pas une oeuvre vraiment prévue à l'avance mais qu'Ernaux ressort des cartons quand on lui demande des inédits en 2022 (typique des auteurs dont l'âge avancé pousse les éditeurs à miser sur quelques facilités d'eux).
Cette oeuvre qui permet d'une certaine manière de la découvrir (car ouvrage court et profondément assumé comme une pure lecture de soi) est pourtant avant tout pensée comme un complément, comme un annexe pour mieux cerner quelques détails de son oeuvre globale. Mais ce petit bonus permet également de mieux réfléchir à quelques éléments profonds : la mémoire de chaque individu, sa propre histoire, son propre passé et les bases des relations amoureuses.
Evidemment Le Jeune Homme n'est pas un texte grandiose, en si peu de pages, écrites avec si peu de désir d'en faire autre chose que des notes pour soi, l'inverse serait difficile. Mais le juger comme un livre "normal" me paraît rendre impossible toute analyse puisque ce n'est pas ce qu'il prétend être.