Un soir dans mon lit, après une vingtaine de pages, à découvrir progressivement le petit groupe de bourgeois agaçants du roman, je me dis que je vais lâcher Le joueur. Je trouve ça un peu brouillon, et je me rends bien compte qu’aucun de ces personnages ne va être attachant et bien passionnant. Et puis, je me force un peu, jusqu’à la déclaration d’amour du héros à Polina qui m’impressionne grandement. Ces personnages sont fous, odieux et imprévisibles. Le héros aime tellement Polina qu’il dit qu’il va la tuer pour la manger. En face Polina ne réagit pas plus que ça et continue de manipuler le héros pour le plaisir en l’intimant de sauter du pic d’une montagne s’il l’aime vraiment.
Impressionné par cette noirceur chaotique, je continue ma lecture jusqu’à ce que le roman bascule contre toute attente vers une sorte de vaudeville, avec l’arrivée tonitruante de la grand-mère. Véritable ancêtre de Tatie Danielle, soi-disant mourante comme l’espérait toute sa famille pour récupérer son héritage, elle vient vraiment dynamiter l’histoire et apporter une vraie touche de comédie. Alors oui, elle est odieuse, mais à la différence du reste de la troupe, elle n’est pas hypocrite. Et finalement, elle devient presque le seul personnage véritablement attachant du livre.
Le style de Dostoïevski est ici est un peu perturbant au premier abord. Les personnages se répètent, font des monologues interminables, et restent toujours très flous dans leurs intentions. Quasiment tous sont des profiteurs, des cyniques, des oisifs, et on a finalement bien du mal à les cerner, en particulier le personnage de Polina qui restera finalement un mystère entier.
Mais le roman réussit à nous attraper grâce à son rythme à 100 à l’heure, sa description réussie de la folie de la roulette et ses nombreux rebondissements. Si je ne retiendrais finalement pas énormément de cette lecture, j’y ai toutefois pris un grand plaisir. Et de savoir qu’apparemment Le Joueur reste un roman mineur de Dostoïevski, j’ai d’autant plus envie d’attaquer ses autres romans. Crime et Châtiment, c’est parti.