C'est comme ça la vie

Certains auteurs de roman exploite le filon de leur mine de thématique. Sorj Chalandon en fait partie. Les questions de la trahison, de la culpabilité, de la vengeance et de l'identité à travers tout cela reviennent avec un trait plus ou moins marqué selon ses romans.

Dans le jour d'avant, le mélange est savamment dilué, et lorsqu'on croit être arrivé au fond de la mine, il parvient à nous surprendre par un coup de grisou qu'on avait pas venu venir.

Le propos de base est simple. Un homme de glaise (un paysan) et une femme d'amour (sa femme) ont 2 fils. Ils espèrent que l’aîné reprendra la ferme, mais c'est sans compter sur l'ogre minier car nous sommes dans le Nord. Jojo, le fils aîné sera mineur. Michel, son petit frère, a les yeux plein d'étoiles en vivant à côté de cette version moderne et cool de Germinal. Michel rêve donc d'être le Steve McQueen des corons. Mais le drame de Liévin vient mettre un terme à ce rêve. Jojo est blessé, mais il aura la mauvaise idée de mourir à retardement, presque un mois plus tard dans son lit d’hôpital. Michel ne pourra pas suivre ses traces, les parents ont trop peur de perdre leur dernier enfant. Au lieu de ça, Michel se voit confier la tache de venger son frère.

Michel va vivre une vie dans l'ombre et la culpabilité. Il av devenir chauffeur routier. Il va se marier. Puis sa femme va mourir, énième injustice dans sa vie. C'en est trop, Michel remonte dans le Nord, pour se venger. Mais pour venger qui ? Et se venger de qui ? Jojo n'est pas vraiment une victime, son nom n'est pas sur les monuments commémoratifs, il n'est pas mort en bas dans la mine. Est-il vraiment un victime. Les porions, représentant des patrons à l'interface entre le fond et la surface sont vieux et diminué. Que reste-t-il à tuer quand la mine a déjà prélevé son dû ?

Sorj Chaladon va donc partir de ce drame réel et venir broder ses thématique autour de cet évenement. Sa plume est concise, rocailleuse, l'air est chargé de poussière de charbon. On sent que tout peut s'embraser à tout moment. Et c'est d'ailleurs ce qu'il se passe. A plusieurs reprises, on pense pouvoir reprendre son souffle mais une étincelle remet le feu à la mine.

On en ressort plein de questions. Sur qui on est. Sur qui on pense être. Sur qui on aimerait être. Sur qui on est pour les autres. Sur ce qu'on laisse les autres penser de nous. Comment on gère la vérité quand elle entrave notre vision du monde. Comment on gère la culpabilité quand on nous la mise sur nos épaules comme une taillette mise dans notre poche par les autres.

Mention spéciale au passage relatant les propos du psychiatre, ou les passes d'armes au tribunal. On sent que Sorj Chaladon a dans sa musette plus d'une anecdote réel qu'il peut tailler comme un bloc de charbon pour en faire sortir un diamant brut.

C'est comme ça la vie. Et c'est beau quand c'est comme ça la littérature.