A la base, l'idée est vraiment bonne. Didier van Cauwelaert donne la parole à Tristan, le vénérable arbre d'un modeste jardin privé des Yvelines fraîchement tombé après trois siècles de bons et loyaux services. Autant vous dire qu'il en a vu des vertes et des pas mûres (de poires, vu qu'il est poirier) sur les générations d'humains qui ont croisé sa route. Il possède une sorte de don d'ubiquité, il est ici ou ailleurs selon le bon vouloir inconscient des humains auxquels il est lié. Il ressent ce qu'ils sont en train de vivre. Au point de s'oublier, je dirais.
D'un premier abord, c'est charmant mais, assez rapidement, ce conte philosophico-écologique devient lassant car on réalise que l'auteur prend pour prétexte le point de vue d'un arbre afin de raconter différemment les aventures moyennement passionnantes de quelques humains (Manon, Yannis et les autres) alors que notre poirier n'est lui-même plus qu'une statuette, certes artistique, sculptée dans son propre bois.
A ce propos, pourquoi commencer le roman au moment où Tristan s'écroule après une vie de tricentenaire ? Certes, les nombreuses péripéties de sa vie (notamment une surprenante rencontre avec le capitaine Dreyfus) depuis sa petite enfance tumultueuse sous Louis XV sont évoquées mais quoi de mieux, à mon avis, qu'un arbre vivant ? Plutôt que d'en raconter autant sur les hommes de sa vie et ses rapports avec eux, il aurait pu être intéressant d'approfondir sa vie végétale, son fonctionnement interne, ses interactions avec ses congénères (j'ai bien aimé sa relation avec Iseult, sa jumelle du même jardin), la flore, la faune, l'écosystème en général.
Le journal intime d'un arbre n'en reste pas moins original et agréable à lire.