L'intrigue du Kabbaliste de Prague est assez simple : David Gans est un jeune étudiant érudit de la yeshiva du grand MaHaRaL de Prague. C'est également un homme sensible, dont les monologues pleins de pudeur nous font prendre la mesure des tiraillements qu'exercent sur sa volonté ses trois "passions" que sont la foi et l'étude d'un côté, la science, d'un autre et l'amour d'un troisième. Il est surtout le narrateur de l'histoire d'Eva, la fille d'Isaac, qui refusa son destin dont avait décidé la promesse que s'étaient faite, avant même sa naissance, son père et Jacob, de marier leurs enfants lorsqu'ils seraient en âge de le faire. Eva, qui incita son grand-père le MaHaRaL à engendrer le Golem et qui, lorsque celui-ci connut son funeste sort, fit prendre conscience à son peuple de l'erreur qu'il avait faite en considérant le serviteur de boue comme inférieur pour la seule raison qu'il était différent.
Ce qui fait la force du Kabbaliste de Prague, ce n'est donc pas l'originalité de sa trame, mais plutôt son ton tout en mesure et en réserve, qui donne au récit un air d'intemporelle sagesse grâce auquel Halter invite son lecteur à réfléchir sur quelques questions fondamentales, comme le poids des traditions, les relations entre science et religion, l'humanité et la tolérance, ou encore l'usage de la force pour la résolution des conflits.
Reste au delà du livre les débats qui entourent la personnalité de l'auteur et sa biographie que beaucoup placent dans le domaine de l'autofiction. En ce qui me concerne, j'ai puisé suffisamment de plaisir dans la lecture de ce morceau d'une humble sagesse pour n'avoir pas à me préoccuper de la sincérité de l'auteur et des parts respectives de l'historique et de l'imaginé dans ce qui est définitivement pour moi un conte philosophique.