Sises à Chicoutimi, au nord du Québec, les Éditions La Peuplade font beaucoup parler d'elles, en cette rentrée littéraire, avec notamment l'excellent livre islandais La fenêtre au sud et le premier roman d'une autrice du cru, poétesse et nouvelliste par ailleurs, Mireille Gagné, avec Le lièvre d'Amérique. Cette "fable animalière néolibérale" est construite en plusieurs étages et mouvements : son héroïne, Diane, avant et après une opération transgénique, ses souvenirs d'adolescence sur une île, des notules documentaires sur le lièvre d'Amérique. Les chapitres qui alternent, avec des styles différents, perturbent quelque peu et obligent à un effort initial avant de trouver leur logique dans la progression du récit, les éléments fantastiques croisant les moments élégiaques de la vie d'avant de Diane, en symbiose avec la nature. Le roman est court, un peu trop peut-être, mais il est très dense, proposant une réflexion sur la société actuelle, basée sur la compétitivité et la performance. Étrange livre, avec sa métamorphose digne de Kafka, qui agglomère plusieurs genres littéraires avec brio, laissant au lecteur toute latitude pour s'interroger et fantasmer sur un monde où l'homme n'a de cesse de vouloir "s'améliorer" en oubliant les règles élémentaires de la nature. Là où il y a implantation de gènes, il n'y a pas nécessairement du plaisir. Le lièvre et la torture, voici une fable à laquelle La Fontaine n'aurait certainement pas songé.