Tout d'abord, débarrassons-nous du coup de gueule contre Gallimard qui dévoile tout le récit dans sa 4ème de couv. Pas de bol, moi qui ne la lis jamais, mes yeux s'y sont exceptionnellement attardés et mal m'en a pris. Il m'est toujours pénible de commencer une lecture déflorée par l'éditeur qui pense sans doute que l'oeuvre doit être considérée moins pour son contenu que pour sa valeur littéraire, dans le style "peu importe de quoi parle ce roman, c'est le style qui compte, voyons".
Parlons tout de même de ce roman qui mérite d'être découvert. Si je n'ai pas été aussi transcendée que les nombreux avis élogieux lus pouvaient me le faire penser, j'ai néanmoins apprécié ce récit bien construit et émouvant. Et si je n'étais pas à deux doigts de faire une overdose "nazis et Shoah", je l'aurais sans doute encore davantage apprécié, seulement il semblerait que les écrivains ne se lasseront jamais d'écrire sur les horreurs de la Seconde Guerre Mondiale. Passe encore quand il s'agit de témoignages tels que ceux d'Irène Némirovsky, d'Imre Kertész ou de Hans Fallada, sans même parler d'Anne Frank ou de Primo Levi, mais quand il s'agit de pures fictions, je suis quand même un peu plus méfiante et dubitative. Avec "Le liseur", roman partiellement autobiographique, on est en quelque sorte au milieu du gué.
Bien que je n'ai pas trouvé l'écriture de Bernhard Schlink particulièrement attachante, je reconnais que l'émotion passe bien et que le rythme, servi par des chapitres courts, est bon. J'ai également apprécié la pudeur qui régit la description des camps de concentration ; il n'en fait pas trop et nous épargne l'énumération trop connue des horribles conditions de vie et de mort dans ces lieux abjects, honte éternelle de l'espère dite "humaine". Cette retenue permet d'évoquer sans montrer et donne vraiment toute son intensité au récit.
Un roman personnel et sensible qui porte le lecteur à réfléchir et à s'interroger, à l'instar de Jean-Jacques Goldman dans sa chanson "Né en 17 à Leidenstadt" : "Aurais-je été meilleur ou pire que ces gens si j'avais été allemand ?"