Catherine de Sienne c'est déjà une femme qui sort de l'ordinaire : membre d'une famille siennoise de 25 enfants (actifs les parents...!), dès l'enfance elle se prend de passion pour les dominicains et décide de consacrer sa vie à Dieu. Si ses parents lui refuse la vie de moniale, elle refuse quant à elle la vie maritale et, tout en restant laïque, décide de se mettre au service de l’Église. Ambassadrice diplomatique de Clément V et de Grégoire XI qu'elle convainc de rentrer à Rome (mettant fin à la papauté d'Avignon), elle n'en reste pas moins critique sur les failles et les dérives de l'Église du XIVème siècle.
Parallèlement à cette vie politique et diplomatique, Catherine fait figure de mystique chrétienne et mène une vie profondément contemplative dont les Dialogues sont évidemment l'image.
Dans ces derniers, elle développe l'un des thèmes fondamentaux de sa pensée symbolisé par l'image de la "cellule intérieure" (Thérèse d’Avilla reprendra d'ailleurs une telle image), idée selon laquelle le Christ est avant tout intérieur et s’incarne en tout homme, s'y manifestant lors de l’oraison. C'est à partir de cette cellule intérieure que l'homme doit chercher à se connaître, cette connaissance lui permettant de rencontrer Dieu (coucou l'hypostase de Plotin où toute connaissance véritable de l'Âme permettrait de rejoindre l'Un par le biais de l'Intellect).
C'est aussi à la miséricorde, thème chrétien "de prédilection", qu'ouvre les Dialogues : valeur cardinale de la foi chrétienne, elle serait cette grâce dont l’homme, "créé à l’image de Dieu", est à même de jouir. Profondément ancré en l’homme, elle serait cette qualité profondément divine que l’homme est à même de développer :
O miséricorde qui s’écoule de ta divinité, ô Père Éternel, et qui gouverne, en même temps que ta puissance, le monde entier ! C’est dans ta miséricorde que nous avons été créés, dans ta miséricorde que nous avons été re-créés dans le sang de ton Fils. C’est ta miséricorde qui nous conserve, c’est ta miséricorde qui a fait jouter ton fils, sur les bras de la Croix, contre la mort avec sa vie, contre la vie avec sa mort. C’est là que la vie a vaincu la mort de notre péché et que la mort de notre péché a arraché la vie du corps de l’agneau immaculé. Qui a été vaincu ? La mort. Qui en a été la cause ? Ta miséricorde. Ta miséricorde donne vie. Elle donne cette lumière qui permet de connaître ta clémence dans chaque créature, dans les justes comme dans les pécheurs. Au plus haut des cieux, ta miséricorde resplendit comme elle resplendit dans tes saints.
Là encore, c’est en se plongeant en lui-même et en observant ses qualités morales que l’homme serait amené à observer la présence de Dieu en lui : "Ouvre l’œil de ton intelligence et regarde en moi, et tu verras la dignité et la beauté de l’âme que j’ai créée à mon image".
Enfin, l'oeuvre est un plaidoyer (Catherine de Sienne est mystique mais reste une femme d'Église) en faveur de la restauration du pouvoir et de la dignité de l'Église. Pour s'unir à Dieu et traverser le fleuve qui l'en sépare, l'homme doit traverser le Pont du Christ (et pas celui d'Avignon). Pour cela, il ne peut se passer de la religion, seul véritable moyen de relier (c'est l'étymologie de religion d'ailleurs) la vie et la béatitude éternelles. C'est d'ailleurs sur ce point que ça coince pour moi, que mon intérêt s'affaisse, étant sûrement plus croyante que religieuse, plus demeure sur le pont que simple traversée, plus vie qu'éternité - mais en 2020, ça n'a rien d'original j'imagine...