Avec "le maître du haut château", Philick K. Dick est censé avoir rédigé un chef d'oeuvre.
Si tel est le cas, je suis manifestement passé à côté.
Son récit, narrant une uchronie post seconde guerre mondiale dans laquelle l'Axe aurait vaincu, propose une vision où le Reich et l'Empire Nippon se partagent le monde. Dans cette alternative, divers protagonistes évoluent dans un monde fait de crainte, de censure et de racisme assumé.
Un scénario a priori séduisant, pour un roman de science-fiction, mais dont la recette ne prend guère. En effet, le genre a depuis inventé bien des scénarii un peu plus intéressants, même si moins ancrés dans une réalité historique contemporaine et plus fantaisistes. Ici, nous suivons des personnes pas toujours fascinantes dont les objectifs échappent un peu au lecteur. La plupart n'auront d'ailleurs aucune interaction entre eux durant le récit. La tension dans la société, légèrement palpable, ne suffit pas vraiment à générer une ambiance oppressive, comme dans "1984" par exemple. Certains moments sortent certes du lot mais il ne suffisent guère, le tout se révélant relativement inégal et pas véritablement captivant.
J'attribuerais néanmoins une mention particulière au concept du Yi king, livre d'essence orientale qui sert d'outil divinatoire pour les japonais et ceux qui cherchent à pénétrer leur mode de pensée. La façon dont certains protagonistes du roman s'en servent pour se rassurer et prendre leurs décisions m'a paru très intrigante. La révélation finale de l'auteur du livre interdit est à cet égard une bonne surprise, même si la fin du récit aurait pu être plus saisissante, en particulier concernant Baynes (son aventure se termine en point d'interrogation bien dommage).
La version dans laquelle j'ai lu ce roman (éditions J'ai lu en livre de poche, édition 2012) propose en fin de tome le début de la suite qu'avait commencé à écrire Philip K. Dick en 1964. Les deux premiers chapitres augurent une Allemagne encore plus clivée par la disparition de son dernier guide en date. La découverte d'un monde parallèle où la ploutocratie américaine et le communisme russe auraient vaincu est révélée à une des factions aryennes. En matière de science-fiction, la trame semblait s'annoncer plus palpitante et surtout offrir des développements nouveaux à un roman dont le potentiel a été sous-exploité.
C'est dommage, ce livre restant à mon sens un embryon de ce qu'il aurait pu être. Le chef d'oeuvre s'est finalement révélé être un simple hors d'oeuvre.