On a tous connu un médecin de campagne. Les plus jeunes, peut-être, n'en ont qu'entendu parler. Le métier était alors un véritable sacerdoce laïc. Sur le pont, H24 comme on dit aujourd'hui et par tous les temps. Face à lui, il y avait le curé ; il y avait une lutte sourde (voire amicale mais pas toujours) car, si le médecin arrivait à temps, le patient avait encore sa chance mais s'il était précédé du curé, le patient était foutu.

Le médecin avait parfois un allié, le maire. Et parfois comme dans le cas du roman de Balzac, le médecin était le maire. Et ça aussi, c'est quelque chose que la tradition a largement perpétué.

Quand je lis ce livre, je pense toujours à un médecin de la montagne auvergnate que j'ai peu connu car il est mort dans les années 60 ou 70 mais qui était une véritable légende. Il était Le toubib, Le maire et pendant l'Occupation, il avait, entre autres actions, mis en place une filière pour cacher des gens ou des enfants fuyant l'oppresseur. Il était anti-clérical (à l'époque, il se disait un "vieux rad-soc"). Mais parmi ses amis, il se vantait même d'y compter quelques rares curés ; de ceux qui se foutent pas mal du dogme et qui ne sont là que pour aider les gens.

"Le médecin de campagne" fait partie de ces romans que Balzac a situé à la campagne, ici, à proximité de Grenoble dans une vallée perdue du massif de la Chartreuse.

C'est un roman social puisque Balzac évoque l'action bénéfique que ce docteur Benassis a porté sur cette vallée perdue en contribuant à son développement. En effet, il n'est pas question de philanthropie ou de charité ou, du moins, le propos de Balzac va bien au-delà. Le docteur Benassis devient en quelque sorte un bâtisseur et parvient à faire développer une industrie basée sur les potentialités locales : un moulin, des tanneries, des fabriques de chaussures.

Balzac n'hésite pas à mettre en avant, à travers les propos du docteur, sa stratégie de développement qui commence par des mesures d'hygiène, d'organisation avant de passer à la mise en place d'infrastructures indispensables à l'étape d'industrialisation.

Alors pourquoi ai-je intitulé ce pensum "les Confessions" ? Je ne fais pourtant aucune allusion à Rousseau dont il n'est absolument pas question ici !

C'est parce que le roman est construit autour de deux personnages qui se racontent et surtout confessent leur passé où ils finissent par avouer, chacun, des actions ou des comportements indignes qu'ils ont transcendés en mesures d'expiation. Il s'agit bien entendu du docteur Benassis et du commandant Ginestas ancien militaire qui a vécu toutes les guerres napoléoniennes et qui finit sa carrière dans l'armée royale (l'action se passe autour des années 1830). Ce dernier vient rendre visite au docteur sur la foi de sa réputation et aimerait lui confier la santé d'un enfant.

À ces deux confessions, se rajoute celle, intéressante et émouvante, d'une jeune femme "La Fosseuse" qui n'a pas eu une vie facile mais qui a fini par trouver un peu de sérénité au contact du docteur Benassis.

Et puis, il y a, en toile de fond, le personnage de Napoléon, assez omniprésent, qui est devenu une légende … Quelques anciens grognards, revenus de bien des guerres, racontent à un public pas loin d'être émerveillé, des anecdotes, des batailles… La reconnaissance personnelle de Napoléon à leur égard, mythifiant le personnage. Près de deux siècles plus tard, ça me laisse rêveur.

Roman un peu à part de la Comédie Humaine. Les personnages ne s'y rattachent guère. Je n'ai pas trop de doutes sur la portée politique de l'ouvrage car Balzac était bien connu pour adapter le discours à ses propres ambitions. Et à l'époque, justement, il ne perdait pas de vu l'anoblissement … Cependant, ce que je retiens surtout de ce roman, ce sont les aspects positifs et les caractères humanistes des héros du livre.

JeanG55
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le 8 oct. 2023

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