Le bonheur n'est jamais grandiose : dénué de passion, de lutte, d'excès, d'énergie créatrice, de dépassement... Le héros va d'ailleurs jusqu'à réclamer son droit au malheur.
Le bonheur n'est jamais grandiose : cette phrase est pour moi la plus importante du roman. Pourquoi ? Parce que dans ce monde dépeint par Huxley, les gens ne sont pas des esclaves oppressés rêvant de révolte mais bien des gens heureux.
Et c'est bien là tout le génie de cette anticipation. Certes les gens ne naissent pas dans des bocaux, génétiquement prédestinés, mais les autres dérives du Brave New World me semblent tristement d'actualité, en particulier le conditionnement, qui se fait aujourd'hui principalement par la pub et les média.
Pas besoin d'instaurer une dictature et d'imposer l'abrutissement des masses par la force, comme dans beaucoup de dystopies : la foule est en réalité consentante, heureuse de la merde qu'on lui jette entre les dents au point d'en redemander, de Hanouna aux anges de la télé-réalité. Heureuse de posséder trop, de consommer trop, heureuse de ses relations affectives superficielles, heureuse de sa propre inculture au point d'en être fière, heureuse d'être à sa place, sans avoir à s'élever, l'essentiel est d'avoir du divertissement, du fun, le ventre plein et la tête vide.
Alors pourquoi seulement 7 ? Parce que ce constat brillant nous est décrit avec un style que j'ai trouvé un peu lourd, franchement pas toujours agréable à lire. Et parce que le héros "sauvage", avec ses interminables références à Shakespeare, nous est présenté en "modèle", alors qu'il est à peu près aussi con que ses opposants, coincé dans son extrêmisme libertaire et immuable dans ses valeurs conditionnées (elles aussi!) par ses lectures.
Un classique, intelligent et assurément à lire une fois dans sa vie, mais dont la plume l'empêche de devenir un de mes livres de chevet.