Le Mépris
7.6
Le Mépris

livre de Alberto Moravia (1954)

Avant tout : je n'ai pas vu le monument cinématographique engendré par ce récit.
Je n'y ferai donc plus allusion.
J'ai lu Moravia comme j'ai lu d'autres auteurs italiens : parce que la littérature italienne est, selon moi, injustement méconnue en France.
S'il y a matière à comparaison dans Le Mépris, je pense qu'elle doit être avant tout "littéro-littéraire".


Car on sort des sentiers battus par des générations d'écrivains.


On nous offre pour une fois un personnage féminin ciselé au comportement singulier, loin des potiches habituellement esquissée avec ce thème : l'homme qui cherche à conquérir ou reconquérir un amour.
On pose la question de la psychologie de la femme qui fuit, on passe plus superficiellement sur celle, maintes fois traitée, de l'homme éperdu.
L'homme dévoué fait un récit dévoué.


C'est finalement une longue enquête que mène le narrateur pour comprendre les raisons du mépris que lui voue sa femme, autrefois amoureuse.
Il finira par y trouver des débuts de réponses, disons une réponse ouverte, mais on aura touché au but, on aura progressé au fil de cette longue interrogation, de ces tentatives d'extorquer une explication à cette femme qui, finalement, subit une situation qu'elle ne comprend pas tout à fait.
Le mépris, d'accord. Mais pourquoi ?


Avant le dénouement, l'explicite, le narrateur nous offre inconsciemment tout ce qu'il faut pour comprendre.
C'est en ça que la démarche est policière. Comment a-t-on tué l'amour ?


Les petites références au cinéma, l'illustration de la dépendance, la condition subalterne de l'homme qui crée, à travers ce jeune homme scénariste par contrainte alimentaire, en font aussi une œuvre pour happy-few.
Moravia semble tenté par une forme légère d'autofiction.


Il y a plus : les références plus ou moins explicites à la mythologie grecque, de l'interprétation partisane de [i]l'Odyssée[/i] par un personnage acquis à la psychanalyse, à l'épisode d'une traversée de grotte en barque avec un spectre, un souvenir, une hallucination, clin d’œil très appuyé à Orphée et Eurydice.

C'est habile parce qu'on ne se contente pas de ces clins d'oeil, on les tourne subtilement en dérision, on les met en abîme, on les critique à travers les personnages et leur débat sur la pertinence d'une interprétation psychologique de la mythologie.
Il y a du recul dans cette œuvre par ces deux procédés : réponses partielles / ouvertes et autocritique.
Au final, le roman est grand et humble.


La fin exprime une volonté de transcendance, où le narrateur admet écrire dans une démarche de dialogue, de justification, de bilan, rendue impossible d'une autre manière par un dénouement en forme d'impasse.


Pour les amateurs du genre au moins. Ce livre devrait vous surprendre.

Lomel
8
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le 24 févr. 2017

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Lo. mel

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