Pour commencer, je dois dire que la lecture du livre me fait presque mépriser le travail de Godard sur le film. Je ne retrouve pas du tout les personnages et ce qui n'était que partiellement transmis dans l'adaptation cinématographique est ici exposé avec brio.
Je reprocherais peut-être son snobisme à Godard, qui a privilégié les jolies images et les jolis discours (ce qui en soit n'est pas blâmable, s'il s'agit d'une création et non d'une adaptation) au sens premier de l'œuvre de Moravia.
Enfin, venons en au fait. Le Mépris m'a bouleversée par son étonnante justesse et par le style de Moravia qui semble écrire avec une aisance inouïe surtout si l'on tient compte de la difficulté de sa tâche : quelques centaines de pages pour plonger dans les profondeurs impalpables d'un sentiment humain qui déchire et auquel l'on craint de se heurter.
Intéressante aussi, la théorie sur L'Odyssée exprimée par Rheingold (à travers laquelle on voit se dessiner une large comparaison des mentalités italiennes et allemandes) à mettre évidement en relation avec l'histoire d'amour dégradée du narrateur avec Emilie. Rien de mieux qu'une citation pour vous révéler ou vous rappeler cette théorie :
"Premier point : Pénélope méprise son mari car il n'a pas agi en homme, en mari et en Roi contre l'importunité des Prétendants. Secundo : ce mépris provoque le départ d'Ulysse pour la guerre de Troie. Tertio : Ulysse sachant qu'il va retrouver chez lui une femme qui le méprise, retarde inconsciemment et tant qu'il le peut son retour. Quarto : pour reconquérir l'estime et l'amour de Pénélope, Ulysse donne la mort aux Prétendants."
Cette théorie est en fait trop éloignée du sens premier de L'Odyssée pour en être une mais il s'agit d'une adaptation moderne tout à fait juste du poème. En effet, pour croire à cette théorie il faudrait oublier de nombreux aspects de l'œuvre d'Homère tel que le but d'Ulysse de retrouver sa condition humaine qu'il avait perdue chez Calypso, où il était le "Personne" qu'il avait décrit au Cyclope.
Cette adaptation apparaît tellement moderne qu'elle peut s'adapter aux relations de couple du narrateur et d'Emilie. Seulement, Molteni ne peut tuer le prétendant car les mœurs ont évoluées mais la mort apparaît aussi comme point de chute de l'histoire puisque c'est ici Emilie qui rend l'âme.