Le Mépris
7.6
Le Mépris

livre de Alberto Moravia (1954)

Pour commencer, je dois dire que la lecture du livre me fait presque mépriser le travail de Godard sur le film. Je ne retrouve pas du tout les personnages et ce qui n'était que partiellement transmis dans l'adaptation cinématographique est ici exposé avec brio.
Je reprocherais peut-être son snobisme à Godard, qui a privilégié les jolies images et les jolis discours (ce qui en soit n'est pas blâmable, s'il s'agit d'une création et non d'une adaptation) au sens premier de l'œuvre de Moravia.

Enfin, venons en au fait. Le Mépris m'a bouleversée par son étonnante justesse et par le style de Moravia qui semble écrire avec une aisance inouïe surtout si l'on tient compte de la difficulté de sa tâche : quelques centaines de pages pour plonger dans les profondeurs impalpables d'un sentiment humain qui déchire et auquel l'on craint de se heurter.

Intéressante aussi, la théorie sur L'Odyssée exprimée par Rheingold (à travers laquelle on voit se dessiner une large comparaison des mentalités italiennes et allemandes) à mettre évidement en relation avec l'histoire d'amour dégradée du narrateur avec Emilie. Rien de mieux qu'une citation pour vous révéler ou vous rappeler cette théorie :
"Premier point : Pénélope méprise son mari car il n'a pas agi en homme, en mari et en Roi contre l'importunité des Prétendants. Secundo : ce mépris provoque le départ d'Ulysse pour la guerre de Troie. Tertio : Ulysse sachant qu'il va retrouver chez lui une femme qui le méprise, retarde inconsciemment et tant qu'il le peut son retour. Quarto : pour reconquérir l'estime et l'amour de Pénélope, Ulysse donne la mort aux Prétendants."

Cette théorie est en fait trop éloignée du sens premier de L'Odyssée pour en être une mais il s'agit d'une adaptation moderne tout à fait juste du poème. En effet, pour croire à cette théorie il faudrait oublier de nombreux aspects de l'œuvre d'Homère tel que le but d'Ulysse de retrouver sa condition humaine qu'il avait perdue chez Calypso, où il était le "Personne" qu'il avait décrit au Cyclope.

Cette adaptation apparaît tellement moderne qu'elle peut s'adapter aux relations de couple du narrateur et d'Emilie. Seulement, Molteni ne peut tuer le prétendant car les mœurs ont évoluées mais la mort apparaît aussi comme point de chute de l'histoire puisque c'est ici Emilie qui rend l'âme.
jessyka
9
Écrit par

Créée

le 4 janv. 2011

Critique lue 804 fois

9 j'aime

jessyka

Écrit par

Critique lue 804 fois

9

D'autres avis sur Le Mépris

Le Mépris
jessyka
9

Critique de Le Mépris par jessyka

Pour commencer, je dois dire que la lecture du livre me fait presque mépriser le travail de Godard sur le film. Je ne retrouve pas du tout les personnages et ce qui n'était que partiellement transmis...

le 4 janv. 2011

9 j'aime

Le Mépris
Lomel
8

Heureux mépris des codes

Avant tout : je n'ai pas vu le monument cinématographique engendré par ce récit. Je n'y ferai donc plus allusion. J'ai lu Moravia comme j'ai lu d'autres auteurs italiens : parce que la littérature...

le 24 févr. 2017

6 j'aime

Le Mépris
S_Gauthier
8

J'ai pas vu le film je m'en branle du cinématographe c'est sûrement nul

Le Mépris est un roman de 1954 écrit par Moravia, une figure prolifique de la littérature italienne d'après-guerre connue essentiellement chez nous pour l'adaptation cinématographique du roman faite...

le 5 mars 2024

3 j'aime

Du même critique

Le Mépris
jessyka
9

Critique de Le Mépris par jessyka

Pour commencer, je dois dire que la lecture du livre me fait presque mépriser le travail de Godard sur le film. Je ne retrouve pas du tout les personnages et ce qui n'était que partiellement transmis...

le 4 janv. 2011

9 j'aime

L'Insoutenable Légèreté de l'être
jessyka
9

Sensualité, sommeil, antérieur, ultérieur, kitsch.

Je crois pouvoir dire sans être dans le faux ou dans l'exagération que ce livre m'a marquée, qu'il fera désormais partie de ces quelques ouvrages auxquels je suis tentée de me référer souvent. J'ai...

le 27 déc. 2010

9 j'aime

6

Le Pavillon des enfants fous
jessyka
9

Critique de Le Pavillon des enfants fous par jessyka

Ah, Valérie Valère ! Douce enfant qui n'a pas su trouver un point d'encrage à sa vie, ou qui l'a manqué. Certainement. Elle n'avait pas du se rendre compte lorsqu'elle se donnait la mort - après...

le 6 janv. 2011

9 j'aime