Pour ses premiers pas dans la série, l'Australien Andrew Chapman choisit de situer son aventure dans l'espace, ou plus précisément au sein d'un gigantesque vaisseau spatial, le Vandervecken. Le héros endosse son armure protectrice et fourbit son désintégrateur pour aller mettre un terme aux sinistres agissements de Cyrus, un dictateur-cum-savant fou qui n'a de cesse de semer la zizanie dans ce coin de la galaxie. Sa mission consiste à s'infiltrer dans le vaisseau et à échapper aux sbires de Cyrus pour aller le débusquer dans son antre et le traîner devant la justice (pour le coup, le titre français est moins mensonger que le Space Assassin original).
Si ce synopsis a fait naître dans votre esprit l'idée d'une aventure stressante, pleine de tension, dans laquelle il faudrait échapper à l'équipage du Vandervecken en se frayant un chemin à travers les soutes, les quartiers de vie, la passerelle et autres lieux emblématiques de tout vaisseau spatial qui se respecte, vous pouvez revoir vos attentes à la baisse ou retourner jouer à System Shock 2. Ce livre n'est en réalité qu'une nouvelle variation sur le thème du Sorcier de la Montagne de Feu, dans lequel les couloirs sont remplacés par des coursives, les portes par des écoutilles, les gobelins par des robots et le sorcier par un scientifique. Gratter ce maquillage (et il n'est pas bien difficile à gratter, tant les descriptions sont laconiques et les péripéties oubliables) révèle que le Mercenaire de l'Espace n'a pas grand-chose à apporter à cette formule : on se retrouve devant les mêmes choix aléatoires entre le couloir de gauche et le couloir de droite, les mêmes combats contre des adversaires placés au petit bonheur la chance, les mêmes pièges mortels dissimulés çà et là sans rime ni raison. Je ne comprends pas pourquoi Chapman a choisi de se placer dans un genre littéraire avec lequel il n'a visiblement pas beaucoup d'affinités. C'est au point où il introduit une séquence de plusieurs dizaines de paragraphes prenant place à la surface d'une planète sauvage capturée à l'intérieur du Vandervecken, dans laquelle on visite des environnements et affronte des ennemis qui ne dépareraient pas dans un livre de fantasy pure !
La construction de l'aventure est assez curieuse. Elle utilise un système de règles pas mal fichu pour simuler l'utilisation d'armes à feu, et comme la plupart des ennemis ont des scores très raisonnables (le boss final culmine à 9 points d'Habileté), ce ne sont pas les combats qui causeront votre perte ici. Le bon chemin n'a rien de sorcier à trouver, il n'exige aucun objet ou information, mais il s'avère très court, en laissant de côté des pans importants du livre (la planète sauvage est parfaitement facultative, tout comme une étrange simulation de jeu de tir). En fait, ça va sembler bizarre venant de moi, mais je n'aurais pas dit non à une difficulté un peu supérieure, parce qu'en l'état des choses, le Mercenaire de l'Espace est d'assez loin le livre le plus assommant de la série à ce stade. L'aventure n'offre absolument rien de mémorable, l'intrigue est quelconque, les péripéties sont banales, les décors sont fades, les personnages sont plats, les illustrations sont médiocres, et je crois que j'ai fait le tour des synonymes de « banal » qui me viennent en tête. La seule chose qui reste dans l'esprit du lecteur après le paragraphe final, c'est justement le paragraphe final lui-même, que je n'ai pas le moindre scrupule à vous dévoiler ici :
- Vous sortez le corps inanimé de Cyrus du Mégascaphe. Une fois de plus, votre mission est couronnée de succès. Mais déjà vous ne pensez plus qu'à la prochaine aventure qui vous attend.
Trois phrases ! Tu viens de t'enquiller une descente dans l'abîme de l'ennui le plus mortel, et Chapman n'a rien de mieux à t'offrir que trois phrases, trente-deux mots (quinze en VO) en tout et pour tout ! TROIS PHRASES ! Bon Dieu, ce livre. Je veux bien être indulgent pour un premier essai, mais il y a des limites.