Le Miroir de Cassandre par rmd
« Plus personne ne veut voir l’avenir. Les politiciens ont laissé tomber, les philosophes et les religieux aussi, même les financiers n’osent plus faire de prévisions à long terme. Il restait les auteurs de science-fiction mais ils sont déconsidérés et ne peuvent s’exprimer nulle part. C’est donc à nous de prendre la relève. Il suffit de le vouloir. »
La jeune Cassandre a été manipulée depuis sa naissance par ses parents. Sa mère, scientifique, et son père, ministre de la prospective, l’ont rendu autiste (sic) pour qu’elle puisse prévoir l’avenir (re-sic). Manque de chance, aucun d’eux n’avaient prédit leur mort prématurée dans l’explosion d’une bombe et la jeune et sauvage Cassandre se retrouve seule dans un institut spécialisée. Elle arrivera à s’en évader pour rejoindre une immense décharge, où, secondée par une bande de clochards, elle déjouera une vague d’attentats, retrouvera son frère, le reperdra, verra le futur de l’humanité et tombera amoureuse.
On ne peut qu’émettre deux hypothèses après avoir terminé ce livre : soit Bernard Werber est extrêmement naïf, soit il est juste cynique. Comment peut-on infliger à ses lecteurs une telle dose de bons sentiments et de lieux communs (les clochards racontant leur passé), de hasards (devant une bombe, l’un des SDF se souvient qu’il était démineur à l’armée et parvient à désamorcer l’engin ; arrêtés par des contrôleurs RATP qui leur mettent 385 euros d’amende, les mêmes clochards ont justement sur eux leur cagnotte de 390 euros) ? On se dit que l’auteur est un grand ingénu qui croit ce qu’il écrit, même si l’indigence des bulletins d’informations disséminés au long du récit pousse bien loin cette naïveté.
Mais quand on arrive à énoncer des erreurs scientifiques grossières ou des théories fumeuses, telles qu’une martingale pour gagner au loto, une mauvaise équation de calcul du temps de chute d’un corps donnant par miracle un résultat correct et des paragraphes sur la vie des mayas sorties d’on ne sait où si ce n’est d’un autre livre de Werber, on comprend qu’on est tombé dans le grand n’importe quoi et que l’auteur, s’il ne se moque pas de ses lecteurs, abuse au moins de leur crédulité. Et lorsqu’on apprend comment les parents de Cassandre l’ont rendu autiste, on sait qu’on a perdu son temps pendant les 620 pages précédentes et qu’il ne fallait surtout pas croire que ce roman avait un quelconque souci de crédibilité.
Une fois enlevés une intrigue fade (une ado et quatre SDF contre un groupe terroriste soutenu par un état étranger), un alignement de scènes défiant toute logique (une palme au ministre de la prospective, qui, viré de son ministère, décide de s’installer avec les clochards), des personnages tellement archétypaux qu’ils en deviennent parodiques (le marabout africain, l’actrice italienne ratée, le jeune asiatique génie de l’informatique...), divers messages politiques au ras des pâquerettes et des publicités pour le propre site web de l’auteur et son précédent livre, que reste-t-il ? Le lecteur indulgent trouvera une certaine fluidité au roman, qui lui permettra d’arriver à bout du pavé sans trop de peine et quelques interrogations sur la prédiction de l’avenir. Pas de quoi intéresser un amateur de SF, juste de quoi contenter les fans les moins difficiles de Bernard Werber.