Bien des théories psychanalytiques se chevauchent, se poursuivent et parfois-même se perdent dans leur propre hermétisme. Mais dans cet ouvrage, Didier Anzieu a mis tout son savoir et sa réflexion au service du lecteur désireux de comprendre mieux certains concepts développés depuis plusieurs décennies maintenant.
Dans la ligné de Winnicott, Bion, Houzel, Tustin, Klein, (...) Anzieu a à son tour posé un édifice dans ce champ difficile qu'est la psychanalyse. Ce texte est aujourd'hui un repère pour les théories cliniques, mais aussi pour les praticiens et les (psycho)thérapeutes de tout horizon. Dans un langage clair, il a su amener ses recherches et sa pratique à un point de convergence, lui offrant ainsi la possibilité de démontrer ce qu'il présente dans ce concept.
Le Moi-peau, qu'est-ce ? Il faut voir cela comme la construction d'une enveloppe psychique du Moi. Celle-ci aurait une interface avec le monde, dont une face est tournée vers le monde extérieur, l'autre vers l'intériorité du sujet. Cet construction psychique, nous permettant de nous représenter nous-même et d'exister de manière équilibrée, voit sa source dans les concepts winnicottiens, comme le holding notamment. La manière dont le bébé est tenu, par les mains, la voix, le regard et tous les sens qui sont grandement en éveil à cet âge-là, vient donner des références avec lesquelles le sujet va se construire un Moi.
La peau comme récepteur des messages du monde extérieur et comme contenant des messages intérieurs, est l'organe riche permettant de s'approprier une histoire et des traces mnésiques. Elle est par ailleurs facteur de création de limites du corps, et donc de la psychée. La notion de pare-excitation est évidente à cet endroit, et l'on peut comprendre à quel point le Moi-peau vient sur l'étayage maternant dans un premier temps. La différenciation avec l'autre passe par la reconnaissance du corps de l'autre comme différent, et donc que le nôtre existe. L'aspect symbiotique originaire est très bien développé.
Les approches psychopathologiques sont très bien examinées aussi. Et comme Anzieu a beaucoup travaillé sur les aspects psychanalytiques groupaux, il fait aussi le lien avec le Moi-peau et le groupe. En outre les fonctions du Moi-peau sont clairement organisées dans un chapitre dédié à cet effet. Il revient ensuite sur l'aspect œdipien et sur l'interdit du toucher, ce qui vient brillamment terminer la boucle freudienne.
La rigueur de l'étude, la clarté du discours et la puissance d'analyse de l'auteur montrent à quel point il est important de prendre le temps de visiter ces concepts pour les assimiler. L'approche uniquement théorique n'aurait d'ailleurs aucun sens. Les vignettes présentées sont souvent très éclairantes sur les notions abordées. Et c'est bien là que la psychanalyse prend toute sa dimension : dans la pratique et l'avancée théorique qui peut en découler.
Ainsi on peut citer Evelyne Séchaud, auteure de la préface de l'ouvrage :
"Le Moi-peau prend sens dans une certaine pratique analytique, et sa formulation métaphorique est caractéristique d'un mode de penser psychanalytique."
Cet ouvrage peut à mon avis devenir un outil très utile pour les étudiant.e.s en psychologie, les psychothérapeutes, les psychologues, les psychanalystes, les psychomotricien.ne.s, les sophrologues,... et vous-même.