À Charlotte Brontë on doit Jane Eyre, ou encore Shirley. À Emily Brontë on doit Les Hauts de Hurlevent. À Anne Brontë on doit La Recluse de Wildfell Hall ou Agnès Grey. Trois sœurs devenues des légendes de la littérature anglaise et même mondiale. Pourtant, en plus de deux sœurs aînées (Maria & Elizabeth, mortes respectivement à onze et dix ans), la fratrie comptait un autre membre éminemment important : leur unique frère, Patrick Branwell Brontë, dit Branwell.


Daphné du Maurier évoque ici le frère décevant mais tant aimé de Charlotte, Emily et Anne. Prometteur, mais fragile, il est élevé auprès de son père à Haworth quand ses sœurs sont tour à tour envoyées au pensionnat. Branwell est rapidement considéré comme le plus doué des enfants Brontë (il est capable, notamment, d'écrire deux textes en même temps, l'un de la main gauche, l'autre de la main droite) et avec ses sœurs il s'emploiera à créer tout un monde imaginaire (qu'ils nommeront le « monde infernal ») et à relater les exploits des personnages qu'ils ont façonnés. Poèmes, chroniques, la fratrie est prolifique.


Pourtant Branwell a beaucoup de mal à se détacher de ce monde construit avec ses sœurs, et plus particulièrement avec Charlotte. Ainsi, peu à peu, le garçon de la famille s'avère décevant. Ses poèmes sont refusés les uns après les autres, il s'essaye à la peinture, en vain, se fait renvoyer de sa première place de précepteur au bout de six mois, puis est engagé à la compagnie du rail d'où il est également renvoyé pour négligence.


Incapable de se détacher du personnage d'Alexander Percy, créé avec ses sœurs et évoluant au sein du Royaume d'Angria dont il écrira longuement les péripéties avec Charlotte, le jeune homme sombre dans l'alcool et l'abus de drogues qui lui permettent d'oublier ses échecs successifs. Néanmoins, Anne lui obtient une place de précepteur auprès de la famille Robinson chez qui elle est gouvernante. Cette place, il ne la garde que deux ans, finissant par être renvoyé en raison de la liaison qu'il entretient avec l'épouse du maître des lieux.


Désespéré à l'idée de ne plus jamais pouvoir revoir celle qu'il aime, ni de pouvoir vivre de ses talents littéraires, Branwell noie de nouveau son chagrin dans l'alcool et abuse du laudanum, au grand dam de ses sœurs qui, pendant ce temps, arrivent enfin à être publiées sous pseudonyme. Toutes trois se montrent déçues par ce frère si doué mais devenu une charge pour elles et leur père, une charge qui vole même quelques souverains à son vieux père pour payer ses dettes ou sa boisson. Malgré tout, pour le préserver, elles se gardent bien de lui annoncer que toutes trois ont pu enfin publier leurs écrits, alors que lui a perdu espoir depuis bien longtemps de voir son travail reconnu.


Épuisé tant physiquement (à cause de ses excès mais aussi d'une tuberculose diagnostiquée trop tardivement) que moralement, il s'éteint finalement à seulement 31 ans, après avoir perdu l'espoir de retrouver sa bien-aimée qui, devenue veuve entre-temps, s'apprête à se remarier.


Méconnu, Branwell Brontë est pourtant omniprésent dans l’œuvre de ses sœurs qui s'inspirent de leurs créations mais aussi directement de ce frère malheureux, qui n'a plus su faire la différence entre le monde réel et le monde « infernal » créé avec ses sœurs. Le travail de Daphné du Maurier est fascinant, s'appuyant sur les correspondances des enfants Brontë, sur des fragments de poème ou de textes et sur quelques témoignages. Riche, ce livre nous plonge aussi bien dans ce qui nous est parvenu de l’œuvre de Branwell Brontë, que dans celle de ses sœurs. Et si elles eurent et ont encore du succès, c'est aussi grâce à lui.

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le 9 déc. 2016

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