Evidemment, je suis devenu avec l'âge un marteau qui ne voit que des clous. Evidemment, ce livre ne parle, des propres mots de son auteur, absolument pas que de cela. Evidemment que les féministes détestaient déjà ce livre à l'époque de sa sortie pour le portrait peu élogieux qu'il dépeint de leurs ouailles.
Pourtant, malgré toutes ces réserves, je n'ai pu me départir de la sensation un peu oppressante que ce livre était emprunt de l'ère du temps de son époque. L'auteur y dépeint un schéma "déconstruit" du couple des protagonistes, la sexualité libérée comme crapoteuse lorsqu'elle est masculine, raffinée/instructive lorsqu'elle est féminine, traite le viol masculin comme une abomination (le pervers du parc) et le féminin comme un moment onirique ou poétique (la mère de Garp avec snon... Bref, les hommes c'est vraiment des porcs (même le gentil Garp élevé par une femme seul est un concupiscent dans l'âme) alors que les femmes, c'est fort, ça prend des initiatives, c'est rationnel et toujours dans son bon droit.
Même la violence féminine y est décrite avec tendresse, même lorsqu'elle conduit à la mort du protagoniste, sa meurtrière finissant réhabilitée parce que c'est une femme un peu perdue finalement. Alors que le meurtrier de sa mère est lui décrit comme une parfaite ordure qui finit livré par ses propres amis aux autorités ou tué, je ne me souviens plus précisément. Il y a même la préfiguration post-moderne de la figure du trans, seul personnage qui n'aligne pas les erreurs de discernement et présenté comme un humain complet de part son expérience double-genrée.
Tout cela se finit dans un maelström un peu foutraque où tout perd de son sens progressivement, les parties les plus poignantes du récit étant finalement les romans fictifs du protagoniste. L'accident de voiture vu comme une punition par certaines féministes pour la liberté sexuelle de la femme de Garp est en réalité une punition pour Garp qui perd son fils, la dignité de sa femme (mais cela ne compte pas, il est déconstruit) et l'œil de son fils pour sa fierté déplacée et son inefficacité (il n'a pas réparé le levier de vitesse) de mâle indécrottable paresseux, feignant et orgueilleux. Après tout, sa femme était juste en train de pratiquer du sexe oral à son amant "pour qu'il s'en aille" (logique absolument infaillible).
La fin est aussi poétique que le récit fût crapoteux, je comprends bien pourquoi ce livre a eu son succès en son temps, en surfant habilement sur les angoisses de l'époque et la vibration gyno-centrée qui s'en venait. C'est bien écrit, on ne peut lui retirer cela, mais ça n'augurait déjà pas grand chose de bon pour le commun et les rapports hommes/femmes.