La lecture du Mystère d’Henri Pick de M. Foenkinos m’a laissé un goût d’inachevé. Et j’ai remarqué deux-trois trucs qui méritaient d’être notés.
Je n’ai plus l’habitude de lire ce qui s’écrit de nos jours, mais je crois pouvoir affirmer sans trop me tromper que la baisse qualitative de ceux qu’on appelle les « bons romans » est liée à une baisse générale du niveau. En économie, cela s’illustre ainsi : sans concurrence, pas d’innovation, ou du moins très peu pour garder une sorte de monopole… A croire qu’il y a suffisamment de lecteurs pour que les auteurs aient leur part du gâteau sans trop se casser la tête.
Le roman de Foenkinos est une bonne lecture, c'est-à-dire qu’il se lit bien, sans complexe. Loin de lui l’idée de révolutionner la littérature. Et pourtant, placer le monde littéraire au centre du livre n’est pas sans souligner l’importance que ce microcosme joue aux yeux de l’auteur.
Parlons du roman. Et de l’air du temps. Ce qui prime est le storytelling. Exemple, un pizzaïolo cache à sa famille ses activités d’écrivain, et lorsqu’on découvre son manuscrit, c’est un succès retentissant, au moins autant pour ses qualités d’écriture que pour le « roman du roman », le storytelling. Mention spéciale pour le côté hyperbolique qui renforce l’intérêt pour le livre : ou comment un inculte parvient à se hisser en tête des ventes françaises (à croire que les Français ne lisent que de la m… (Ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit c’est l’auteur qui le sous-entend ! (peu probable)))
Le roman consiste en une sorte d’enquête, mais pas trop. C'est-à-dire que les pièces du puzzle sont des personnages, des trajectoires qui, mises ensemble, constituent la trame d’ensemble. Le lecteur crée des « ponts ». Ce qui rend d’ailleurs la lecture plus facile est le côté morcelé (d’aucun considérerait ça comme typique de notre époque et de la frénésie du zapping et du morcellement. Sans connaître plus l’auteur, je m’abstiendrai de cet approfondissement).
L’amour est central en littérature, et exploité dans de nombreuses formes dans ce roman : amour vécu, amour déçu, amour rompu, etc.
Ce qui est fort, et là, ça tient de l’interprétation personnelle qui, si elle se révélait vraie, ferait de ce roman un très bon roman (sans être excellent), ce qui est fort est cet affadissement de l’ensemble des relations qui parcourent le roman. Disons qu’il y a une certaine redondance à voir toujours les mêmes amours, familiers pour certains lecteurs qui adorent les retrouver. Mais pour moi, tout cela contribue à la mise en lumière de la plus belle des relations : celle qui n’a jamais eu lieu, cette histoire entre Gourvec et Brücke. Que cela soit fait consciemment ou non par l’auteur, à chacun d’en juger. Mais si c’était le cas, ce serait vraiment beau.
Mais il y a l’épilogue. Avec lui, l’énergie du roman est catalysée de telle sorte que seul ce retournement final doit compter, et que le reste du livre ne sert qu’à faire dire au lecteur : « ah le fourbe ! il m’a bien eu ! ». Non, franchement, une fin bien dispensable, à bien y réfléchir, des jours après ma lecture.
Parce que cette fin pose un véritable problème d’éthique (si vous avez lu jusqu’ici mes remarques, vous ne serez pas déçus). En effet, dans le livre de M. Foenkinos, Gourvec, le bibliothécaire qui a signé Henri Pick, serait le véritable auteur. Mais ça aussi, c’est faux. Or, une des réussites du roman était cette histoire d’amour déçu entre Gourvec et Brücke. Sauf que celle-ci, en vérité, n’a aucun fondement. Cette fin m’a gêné, dans le sens où le lecteur est autant victime de l’illusion que Mme Brücke, même si à la fin il connaît les ficelles.
C’est donc assez dégueulasse de jouer ainsi sur les sentiments. Mais en même temps, c’est la preuve d’une véritable réussite de l’auteur. Bien loin de proposer un roman raté, il en a écrit un qui est simple dans le style, simple dans l’intrigue, simple dans sa conception. Il se complexifie seulement si le lecteur se pose des questions.
Ce qui est donc une différence avec les classiques, cet ancien niveau de littérature, plus haut : M. Foenkinos ne veut pas nécessairement que son lecteur se pose des questions, alors que d’autres si ! (Et si je me trompe, je veux bien qu’on me détrompe !)