Grisélidis est un cadeau du ciel. Un écrivain comme il n'y en a très peu par siècle. Une femme libre, totalement chtarbée, avec une vie déglinguée, poétique, dans un univers de "saoûlerie, de fric, de sueur et de bites" comme le dit très justement JL Hennig.
Épouse, puis artiste, puis prostituée, puis prostituée-activiste, écrivain, défenseure passionnée des droits des putes, elle fut une grande figure militante des années 70, une passionaria, comme seules ces années ont pu en produire. Débordante de générosité, d'humanité, d'amour et d'énergie, elle a marqué l'époque, et elle marquera la littérature, cette littérature des marginaux magnifiques qu'on peut faire remonter à François Villon, pour s'en tenir à notre ère.
Le Noir est une couleur raconte la vie de Grisélidis en Allemagne, où elle part avec Bill son amant noir schizophrène et deux de ses quatre enfants, voulant en finir avec une vie genevoise trop routinière. Elle veut trouver une liberté et un frisson nouveaux. C'est une vie d'expédients, d'errance, magnifiée par l'écriture qui transmet le goût de l'absolu de Grisélidis et qui au fond de l'abîme nous donne toujours la sensation de vivre intensément et de vivre quelque chose de grand. Ce sont des années de prostitution avec les militaires noirs américains, qui sont ses préférés, qu'elle vénère et qui le lui rendent bien, malgré la violence permanente qu'elle subit. Elle se perd dans la volupté, dans ses passions ardentes où elle puise son énergie et son amour de la vie. Elle ne dissimule rien, ni les orgasmes vertigineux, ni les humiliations écrasantes, ni les mesquineries comme les petits bonheurs du quotidien.
Il y a du Genet chez Grisélidis, avec cette façon de décrire les bas-fonds avec amour et raffinement, et il y a aussi du Céline, elle qui a tout compris de la noirceur de l'humanité, toute son horreur. Mais elle garde une formidable pulsion de vie, de désir, de communion et de liberté,
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