La grande richesse du "Nom de la Rose" relève dans le fait qu'il s'agit d'une oeuvre pluriforme: à la fois thriller haletant, description historique précise et morceau d'histoire des idées fouillé.
Guillaume de Baskerville et Adso de Melk sont à la fois les acteurs principaux de cette fiction mais aussi les témoins plus ou moins impuissants d'affrontements politiques et théologiques de leur temps: les débats entre les partisans d'une Eglise pauvre contre ceux d'une Eglise prospère ( franciscains vs bénédictins ou encore partisans de l'empereur vs partisans du pape), la légitimité du rire et de la dérision dans la chrétienté, sur l'analyse des choses et des faits (approche basée sur des idées préconçues vs l'analyse scientifique et contradictoire), sur la circulation ou la rétention du savoir, et finalement les contradictions d'une société médiévale en mutations dans laquelle on devine les prémisses de la modernité.
Umberto Eco, en bon sémiologue et érudit, nourrit le roman de nombreuses références et éléments précis d'époque qui lui donnent une grande profondeur. On tombe souvent dans des apartés d'apartés, puis le roman retombe sur ses pattes et on comprend quelques chapitres plus tard la finalité de cet échange (rien n'est laissé au hasard). Les intrigues se chevauchent les unes aux autres pour aboutir à la révélation finale dans la bibliothèque mystérieuse de cette abbaye reculée qui abrite le grand mystère du roman.