Le Nom de la rose
7.9
Le Nom de la rose

livre de Umberto Eco (1980)

Umberto Eco mélange ici ses différentes casquettes de médiéviste, érudit, philosophe, romancier et linguiste pour nous offrir bien plus qu'un simple thriller médiéval.
L'histoire fictionnelle autour de meurtres mystérieux au sein d'une abbaye au nord de l'Italie s'entrecroise parfaitement avec l'Histoire réelle en fond, dont les enjeux sont extrêmement bien retranscrits (lutte papauté/empire, les courants "dissidents" au sein du catholicisme, les raisons de l'installation des papes en Avignon, fonctionnement d'une abbaye et des différents corps de métiers la composant, etc.), ce qui donne au roman une touche de manuel d'Histoire, qui pourra peut-être en rebuter certains de par la complexité et la lourdeur des événements narrés, mais qui fera voyager et découvrir les personnes curieuses de cette période, complexe et toute en nuances. Si le début de l'ouvrage ne paraît pas, par moment très naturel (on rencontre un à un les personnages qui nous expliquent leurs fonctions au sein de l'abbaye telle quelle était au 13e siècle, de manière très "scolaire"), les enjeux sont néanmoins posés avec beaucoup d'intelligence et cela permet de se familiariser d'une manière très enrichissante et réaliste avec l'époque dans laquelle se situe notre histoire. Adso, jeune novice découvrant le monde qui l'entoure est un reflet du lecteur contemporain étranger à cet univers du 13e siècle. Une quantité énorme de personnes de l'époque, de débats du siècle, de découvertes scientifiques sont ici intégrées au récit conduisant les plus curieux à se perdre de longs moments sur Wkipédia.


L'histoire de la série de meurtres dans l'abbaye à différents rôles. Elle donne bien sûr de l'intérêt et les rebondissements nécessaires à tout bon romain, apportant le ludisme de l'enquête policière médiévale, mais permet aussi à Eco d'aborder des thèmes puissants tels que le rôle du rire, la place à accorder au Livre, le rapport vis-à-vis de la religion, des femmes, des rapports sexuels et frustrations en découlant, du savoir, de l'ouverture de la culture à tous, faisant de son ouvrage un objet dépassant les bornes temporelles de son histoire. Le lecteur ressort enrichi des connaissances partagées, perturbé également par cette fin brute, mélancolique, où l'absurdité humaine est mise en exergue (


passer sa vie à étudier, annoter des livres dont le tout sera perdu en une nuit, etc.


) et où la frontière séparant la destruction de la perpétuation des connaissances avec le temps est mince.


La nuance est un des thèmes central de l'ouvrage, dans lequel il n'y a pas de fin heureuse, ni victoire ni défaite de nos deux personnages, ou mieux, il y a défaite dans la victoire, la découverte


du criminel (qui n'en est pas vraiment un ?) occasionnant la destruction d'une des plus importantes bibliothèques d'occident, laissant à jamais la bibliothèque inaccessible, ce pour quoi c'était battu Jorge, obscurantiste jusqu'à la mort.


L'ambivalence de Guillaume de Baskerville (homme d'une grande intelligence ouvert sur le monde ou hérétique orgueilleux ancien inquisiteur), les divisions au sein d'un propre camp rendant l'Eglise (Eglise du progrès, du savoir, du rayonnement occidental et Eglise politicienne, meurtrière, luxueuse et obscurantiste) à la fois divisées en une multitude factions incapable de s'unir et permettant par la même occasion au Pape d'assoir son autorité malgré le mépris qu'il inspire.


Umberto Eco signe ici un ouvrage qui ne prend pas le lecteur par la main, l'amenant à réfléchir et à faire preuve, comme ses personnages principaux, de recul et d'interrogation sur ses idées reçues les plus profondes. Le tout en arrivant à être très pédagogue et divertissant. C'est à mon avis la raison de l'immense succès de cette oeuvre.

MCwhite
8
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le 22 mars 2021

Critique lue 43 fois

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MCwhite

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