Après plusieurs mois d'analyses sur différents ouvrages, je reviens sur cet ouvrage que je mets dans mon panthéon littéraire. L'ayant lu après avoir vu le film, j'y ai trouvé un plaisir différent et supérieur. Le film est agréable en soi, mais il ne permet pas, loin s'en faut, de se faire une idée précise du contexte de ce moyen-âge qui nous apparaît bien sombre à travers les pages d'Umbert Ecco. Professeur de sémiologie à l'université de Bologne, c'est le premier roman d'un homme âgé de 50 ans. Il est alors déjà très connu en Italie.
Ce roman policier historique est un choc littéraire par la précision historique qu'on y retrouve. La plume littéraire d'Umberto Ecco est telle qu'il nous fait passer sans difficulté un contexte historique pourtant très complexe autour des années 1320 en Italie du nord. En cette année 1327, dans laquelle se déroule l'intrigue, l'empereur du Saint empire romain germanique descend en Italie pour s'y faire sacrer. L'empereur Louis IV s'oppose au pape Jean XXII. On a également à l'époque une querelle très importante au sein de l'ordre des franciscains sur la question de la pauvreté. L'auteur nous projette immédiatement dans une époque où on s'interroge sur la supériorité du temporel sur le spirituel.
Publié en Italie en 1980 et deux ans plus tard en Français, "Le nom de la rose" est alors le premier roman d'Umberto Ecco." Le Nom de la rose "est un roman policier médiéval et une évocation des connaissances au Moyen Âge. Il se déroule au sein une abbaye bénédictine dont le nom est maudit depuis les événements effroyables qui s'y sont déroulés. Nous avons comme héros un ancien inquisiteur Guillaume de Baskerville - clin d'oeil à Sherlock Holmes qu'il regrettera ensuite - docte moine franciscain. Il est assisté du jeune Adso de Melk. Ils sont amenés à enquêter sur une série de morts étranges où la patte du diable semble apparaître. Le décor est planté dès le départ avec une locution latine qui va être bouleversé ensuite par les faits. Auparavant, l'auteur a écrit une longue introduction prétendant que ce présent ouvrage est la traduction d'un manuscrit trouvé, à la façon des romans du XVIIIè siècle.
Ensuite, on entend la voix du narrateur, Adso de Melk, devenu un vénérable moine. Il relate les événements qui se sont déroulés dans une abbaye située en la Provence et la Ligurie. Nous sommes dans un huis-clos. Le génie d'Umberto Ecco est d'y faire converger des moines, un herboristes, une bibliothèque fabuleuse et des membres d'ordres nouveaux comme les franciscains et les dominicains. Cette abbaye a pour modèle celle de Saint Michel de la Cluse plantée sur un éperon rocheux. On a donc une abbaye isolée, gigantesque et inquiétante. Umberto Ecco a fait des plans très précis.
Revenons au protagoniste principal du récit d'Adso de Melk, c'est-à-dire Guillaume de Baskerville. Ce dernier est un moine en crise. Il est franciscain. C'est également un ancien inquisiteur. Il a une culture considérable. Il remet en cause un certain nombre d'idées suite à ses lectures. Il est confronté à la crise de l'ordre franciscain autour de la notion de pauvreté. Il va être confronté rapidement à la mort suspecte d'un jeune novice qui va s'avérer être un meurtre.
En plus d'être un roman policier, "Le nom de la rose" est un roman du corps avec les corps des moines assassinés, ainsi que celui de la jeune paysanne séduisant le jeune Adso. Mais plus que l'aspect charnel, c'est l'esprit qui est mis en valeur autour d'un ouvrage d'Aristote censé avoir disparu, la deuxième partie de la poétique d'Aristote. La recherche de Guillaume et de son élève au sein de la bibliothèque est jubilatoire. Umberto Ecco a su faire passer sa propre fascination face au livre. On est au moment de l'histoire où l'occident se réapproprie une partie du savoir grec par l'intermédiaire de la culture arabe.
Umberto Ecco a une sorte de mystique du livre. Pour lui, le livre invente l'auteur. Cette absence de l'auteur est une idée très médiévale. Le moyen-âge a horreur de la nouveauté. L'autorité d'un texte se revendique alors soit d'un auteur d'autorité, soit cela n'a pas d'importance.