Sur les conseils de ma libraire jeunesse, je me plonge dans Le Passeur qu'elle me présente comme un incontournable.
Séduit par l'écriture poétique et le traitement beaucoup plus "littéraire" du sujet que dans d'autres dystopies adolescentes, je suis toutefois resté sur ma faim.
Loïs Lowry choisit de nous dévoiler petit à petit son univers au travers d'un personnage qui dans un premier temps ne le remet pas en question. Si la façon de lever progressivement le voile sur de nombreux dysfonctionnements de la communauté est astucieuse, l'absence presque complète d'interactions entre notre héros nouvellement éveillé et son entourage est très déroutante. Sous prétexte des règles qui lui sont imposées, il garde la vérité secrète et ne discute pas. Il est cantonné à son rôle de réceptacle. Une scène m'a particulièrement frappée :
Lorsque Jonas voit son père "élargir" un nourrisson, il n'y a aucune discussion qui suit. Aucune colère, aucune explication, bref, l'auteur ne fait qu'effleurer la violence de son univers. Jonas est réduit à l'état de témoin presque impuissant.
En refusant de traiter réellement "l'après", la phase qui suit la "révélation", Lowry fait un pari qui lui évite certains écueils et certaines facilités mais peine à convaincre en ne proposant que la fuite comme alternative. Une fuite poétique et mystérieuse, une fin ouverte et sujette à interprétation mais finalement une impression d'inachevée, d'esquisse prometteuse mais un peu artificielle.
Probablement lu trop tard et avec l'imaginaire déjà bien trop pollué d'autres histoires du même calibre je m'en veux presque de ne pas avoir adoré cette histoire au lyrisme cruel. Tout en le lisant, je ne cessais de me répéter : "Si seulement je l'avais lu avant tout le reste..." Et c'est bien là le reproche que je fais au Passeur c'est de ne pas souffrir le passage du temps et ses nombreux "suiveurs" aussi bien qu'un Farenheit 451 (pour ne citer que cet exemple).
La passe est belle mais elle n'atteint malheureusement pas sa cible.