L'archétype du roman Yiddish moderne
On pourrait, à mon sens et artificiellement, individualiser deux lignes directrices dans ce roman qui raconte avec humour et cynisme le retour aux sources (la fameuse rue Krochmalna, ucoeur du quartier juif de Varsovie), à la quarantaine, de Max Barabander, juif polonais ayant émigré en Amérique du Sud de nombreuses années plus tôt.
La première, la description de cette société yiddish figée dans le passée, étonnante et presque étrange pour qui ne la connaît et ne la pratique pas, est une incontestable réussite. On s'attache très volontiers aux nombreux seconds rôles qui parsèment le livre, du rabbin si droit, si orthodoxe et conséquemment si empêtré dans les traditions, à Reyzl, la « Madame », femme forte dans un monde où cela ne peut-être que mal vu, en passant par Basha, la servante prête à accepter tous les accrocs au dogme à condition d'en prendre la décision elle-même.
La deuxième, la description psychologique du personnage de Max, totalement ambivalent vis à vis de ce monde qu'il admire et exècre à la fois, balloté entre ses pulsions et ses aspirations, incapable de se fixer une ligne de conduite, s'empêtrant irrémédiablement au fil des pages dans les cordes qui serviront à le pendre, est plus difficile. Mon ressenti, je l'avoue, a été plus celui du désordre intérieur d'un individu qui s'en remet au hasard pour gouverner sa vie que la compréhension aiguë du déchirement de cet homme forcé de choisir entre deux mondes sans pouvoir s'y résoudre. Mais je ne peux juger ce deuxième point sévèrement tant je crois qu'il est la conséquence (normale) du défaut de connaissance (et d'appartenance) à la culture du héros.