Il existe un phénomène assez désespérant dans la littérature de Fantasy, causé par la longueur que finissent par prendre beaucoup des ouvrages proposés : Le syndrome Zelazny.
Zelazny, c'est l'auteur du Cycle des Princes d'Ambre.
Alors, vous me direz, qu'est-ce que je parle des Princes d'Ambres et de Zelazny dans une critique du plus mauvais livre de Stephen King ? Et pourquoi la note est-elle de 9 si ce livre est si mauvais ?
Donc ce monsieur Zelazny, après avoir construit un cycle ouvert et visiblement encore en travaux (On se dirigeait vraisemblablement vers une demi douzaine de bouquins de plus) a eu l'extrême mauvais goût de mourir. Comme ça. Sans préavis pour le lecteur. Et sans écrire la fin de son cycle. Imbitable.
La Tour Sombre, c'est l'oeuvre majeure de Stephen King. L'oeuvre fondatrice, l'oeuvre destructrice, tout existe dans sa bibliographie par et pour les aventures de Roland de Gilead. Et c'est vraisemblablement une faiblesse chez les écrivains, car King, après avoir écrit quelques volumes a fini... Sous une voiture. Boum. Syndrome Zelazny. Sauf que King a survécu, et avec pour fil directeur dans la tête une chose : Il n'avait pas le droit de succomber au syndrome. Il n'avait pas le droit de mourir avant d'avoir écrit la fin de la Tour Sombre. Et au sortir de sa convalescence, il s'y est jeté à corps perdu. Voila pourquoi ce livre a été écrit en... TRENTE années. Pas moins. Avec une grosse accélération sur la fin.
Que dire du Pistolero ? Un livre lent, naïf, totalement détaché du monde. Il ne s'y passe rien en proportion de la taille du volume, et le côté "baroudeur du Far West" de Roland, qui n'est pas encore tempéré par l'apparition des autres personnages principaux, alourdit le récit au possible. Dieu, c'est poussif ! On se demande même si Stephen King va quelque part avec ça. C'est très logique, vu qu'il a été l'un des (sinon le) premier bouquin de King, écrit à 22 ans sur les bancs de la fac.
De plus, les scènes semblent décousues, sans lien réellement logique autre que temporel, et encore, puisque les indications temporelles du livre sont farfelues et peu originales. La-nuit-qui-a-en-fait-été-plusieurs-centaines-d'années, ça fait soupirer, que voulez-vous.
Alors oui, c'est parce qu'originellement le Pistolero est plus une suite de nouvelles. D'ailleurs, King l'a (pas suffisamment) remanié presque 30 ans après pour qu'il s'approche du niveau de la suite du cycle, mais on ne fait pas un cheval de course d'un percheron.
La question est alors : Mais pourquoi alors le lire ? Parce que la série, bien que tellement lente à démarrer qu'on veuille jeter le premier volume aux orties, est captivante, enlevée, dynamique, extrêmement bien ficelée. C'est réellement le coeur de l'oeuvre de Stephen King, ça n'est pas seulement son voeu pieu !
La Tour Sombre, c'est :
- De la vrai fantasy. Originale en plus.
- Un univers Western/Far West. Qui s'intègre à mon grand désarroi initial extrêmement bien dans un récit fantasy.
- Du fantastique, avec un doute permanent sur la réalité de ce qui nous est présenté
Roland, dernier survivant d'une civilisation avancée, honorable, distinguée, avance dans un monde post-apocalyptique vers sa quête, la Tour, sa Tour. Et découvre comme souvent lors de voyages initiatiques que l'important n'est pas le but de ces errements, mais bien le cheminement lui même.
Roland, c'est un enfant qui grandit, un sage qui apprend à rajeunir, un père, un amant, un maître, un modèle, un monstre, un voyou, la cause de la fin du monde, le sauveur de l'humanité, l'égoïsme incarné, l'exemple vivant du don désintéressé...
Roland, c'est un être humain. Rendu plus humain encore par ses défauts. Et il est entouré d'êtres humains, d'autant plus humains qu'ils sont eux aussi plus que perfectibles.
La Tour Sombre, c'est l'intégration de tous les romans de Stephen King en un monde unique et cohérent, de Shining au Fléau, de Territoires à Salem. C'est un croisement fantastique entre le Magicien d'Oz et le Seigneur des Anneaux dans le monde du Bon, de la Brute et du Truand.
La Tour Sombre, est. Simplement.
Barjavel avait dit qu'il aurait donné tous ses livres pour un seul (La faim du Tigre, en l'occurrence). Cette affirmation vaut bien pour King et sa Tour sombre.