Oscar Wilde est un esthète du beau, un amateur de bons mots et un grand cynique qui peut abattre de grandes idées par un mot tranchant.
Le portrait de Dorian Gray est un chef d'œuvre sur la beauté, l'orgueil du narcissisme et ses dangers moraux.
On y trouvera de profondes réflexions sur l'art, son utilité ou plutôt son utilité, thèse que dévoile l'auteur à travers son personnage provocateur Lord Henry.
L'œuvre abonde par conséquent de saillies et d'incessantes sorties spirituelles qui peuvent parfois s'avérer assommantes.
Car ce personnage Lord Henry, figure centrale de l'œuvre en ce qu'il est celui qui ne tarit pas de partager ses idées décadentes, est la quintessence du cynisme, il est désabusé, ennuyé et insensible et a toujours le bon mot pour annihiler toute opinion morale. On pourrait croire que Wilde s'amuse par procuration à distiller ses idées hédonistes et provocatrices.
Pourtant, Wilde admettra vers la fin de sa vie que ce personnage controversé n'est que l'image que le public a de lui tandis que lui se reconnait dans Basil, le peintre honnête et vertueux.
Ce qui est intéressant chez Wilde et dans cette œuvre et qui reste un sujet d'actualité, c'est bien la question de l'utilité de l'art, Wilde l'a clairement admis : l'art est inutile et c'est le corrompre que vouloir le farder de morale ou d'utilité.
Pour les amateurs de Goethe, cette œuvre ne peut ne pas faire penser à Faust et au pacte diabolique de vendre son âme pour des choses matérielles, la jeunesse ici en l'occurrence.
Ce Voltaire moderne qu'était Wilde laissera par Dorian Gray une belle poésie sur la beauté.
Dostoeïvski a écrit une phrase devenue célèbre et pourtant mal comprise, celle que la beauté sauvera le monde, il reste tout de même un éclaircissement de taille sur la définition de la beauté chez Dostoïesvki qui est une beauté morale et spirituelle, celle de ses personnages purs, angéliques, pour laquelle certains de ses héros pouvaient s'humilier et s'agenouiller, et qui diffère de la beauté esthétique d'Oscar Wilde.
L'obsession d'une jouvence éternelle est toujours d'actualité, aspirer à un visage aussi immarescible que celui de Dorian Gray est un voeu encore contemporain. Relisons alors Dorian Gray pour approfondir la complexité morale de cette question.
Adil Saloua