Les cinquante nuances de Dorian Gray
Vas-y ! Ben vas-y couillon, justifie ce titre puisque tu en es si fier !
Dorian Gray est une personnalité aux multiples facettes (environ 50) qui pourtant ne transparaîtront jamais derrière ce masque éternel de jeunesse. Son visage ne change pas, mais la peinture lugubre, elle, aura au moins cinquante nuances pour une seule couleur...
Bon d'accord rien ne justifie ce titre.
Oscar Wilde n'est pas la moitié d'un con et il use avec brio, parfois avec agacement (des aphorismes à répétition notamment, néanmoins nécessaires car ils font monter la sauce dans la tête de Dorian petit à petit, des lieux communs trop lourdingues), de sa belle plume pour raconter l'existence d'un homme, artiste de sa propre vie, de la pureté adolescente jusqu'au marasme extrême de ses vertus. La beauté de l'oeuvre réside dans la capacité de Wilde à faire passer le summum de l'esthétisme, l'admiration avant tout visuelle, avec de simples mots. Le fantastique, utilisé à petites doses, fait basculer ce roman dans la folie. Aux toutes dernières lignes de ce doux supplice, je ne savais plus dissocier la réalité de l'invraisemblable. Tout n'est que fascination.
Un livre assez déconcertant car il ne porte pas tant sur le crime, la corruption ou le rapport à la vieillesse mais plus sur la fascination à tous les niveaux. Ainsi, Basil sera complètement subjugué par le superbe Dorian, Dorian par Henry (et par lui-même) puis Henry pour le Beau, le préférant au Bon et à toutes forme de qualités humaines. C'est un récit parfois trop assommant dans ses descriptions mais très passionnant. Il y a quelque chose de mystique, de très dérangeant dans les diverses passions que vivent ces grands sieurs. J'ai énormément aimé la démence latente qui sommeille chez Dorian Gray, ce jeune homme paralysé par son image et constamment au bord de la rupture.
J'ai beaucoup apprécié cette aventure sur la sublimation des esprits face à l'art, cette fascination pour le paraître et le rôle que l'on se donne plus que ce que l'on est à l'image de Sibyl, transcendante pour Dorian car effacée derrière les plus grandes figures du théâtre. L'amour c'est aimer une image, une posture, une gravure dans le temps. Si le roman est aussi intéressant c'est parce que, contrairement à beaucoup d'autres, le magnétisme n'est pas seulement éprouvé sous forme amoureuse mais sous toutes les coutures, par l'influence qu'exercent chacun des garçons sur l'autre.
Il faut lire Le Portrait de Dorian Gray, ce drôle de gus qui sera tôt ou tard rattrapé par ses démons, entre un copain Basil qui, fatalement, tentera de le ramener à la raison et un copain Henry qui signera sa perte en l'endoctrinant. Bien malgré lui ?