Quand on pense que Le Portrait de Dorian Gray a été écrit en peu de temps et qu’il est le seul et unique roman d’Oscar Wilde, on se demande réellement pourquoi : s’inspirant de classiques de la littérature fantastique, Wilde nous offre un véritable petit bijou littéraire, foisonnant de références artistiques et de discussions philosophiques.
On aurait pu mettre en doute le talent de l’auteur, puisque celui-ci fut avant tout quelqu’un de très mondain avant d’être un artiste. Cependant, ce milieu lui inspirera ce roman, où on peut y lire une certaine peinture de la société bourgeoise. On reconnaît les idées qu’il partage avec l’auteur français Théophile Gautier sur l’art, notamment qu’il est inutile. Même si toutes (ou presque) les idées des esthètes y sont présentées, n’essayez pas de chercher une quelconque morale entre les lignes de Dorian Gray, vous perdez votre temps. « L’Art pour l’Art » anime son œuvre, et cela se voit. Des descriptions fourmillant de détails, des couleurs vives, une abondance d’objets, des références à différents artistes, et bien sûr, l’objet principal de l’ouvrage : le portrait. Tout cela rend l’œuvre particulièrement singulière, puisque le fantastique vise normalement à poser le doigt sur une ambiguïté entre la réalité et le surnaturel, avec l’aide de divers artifices comme une atmosphère lugubre, une narration souvent à la première personne, et des détails qui sortent de l’ordinaire. Ici, le surnaturel est complètement assumé, permettant à l’auteur d’oser quelques fantaisies qui décrivent l’environnement dans lequel évolue Dorian comme à la fois un environnement de conte de fée rappelant son apparence complètement innocente, et également un environnement perverti, délabré et glauque lorsqu’il est fait mention des bas-fond de Londres dans lesquels il mène sa vie de débauché.
C’est la parfaite balance entre l’horreur et la beauté (à noter que de nos jours, la qualification « horreur » pour ce livre peut faire sourire : nous n’avons plus les mêmes standards).