Le Pouvoir
6.7
Le Pouvoir

livre de Naomi Alderman (2016)

J'ai démarré avec beaucoup de circonspection. Un échange de mails futuriste d'une société matriarcale annonce un roman sur une société patriarcale, chose impossible pour l'une des interlocuteurs. Le sous-titre du roman dans le roman, « Le Pouvoir », est « roman historique ». Et nous voilà donc à notre époque moderne, à parler de réseaux sociaux et d'Amazon... 
Cette entrée en matière a des odeurs de vernis faussement approfondissant sur un concept simple : les femmes vont prendre le pouvoir dans un futur proche. Et de découvrir après quelques énigmes se confondant avec la maladresse, que le « pouvoir » est un super-pouvoir basique de super héros : faire des éclairs avec ses mains.
C'est plaisant. Alors on se laisse aller dans un style fluide, dynamique, tout dédié aux personnages, décrits presque uniquement par l'action, à lire ce truc sympa où les femmes deviennent physiquement le sexe fort. Un délire moderne de citadine, qui pense qu'il est temps pour la vengeance, et qu'un monde dominé par les femmes sera meilleur. Et puis non non. Non!

Qu'il est bon de se faire ravaler nos a priori au fil de la lecture ! Car le prétexte du début et le « pouvoir » électrique vont servir une réelle réflexion sur les rapports de domination dans nos sociétés, dicté par le rapport au Pouvoir. Et le titre n'est plus une esbroufe. Car nos héroïnes devenues fortes ne vont pas faire que justice. Le vertige du pouvoir guette, irrémédiable, et l'inversion de la domination amène autant de violence et de convulsion des esprits que la domination d'avant. Le prétexte du début nous rappelle que ce qui est un fantasme futuriste pour nous, est un fantasme historique pour l'auteur fictif. Un livre écrit depuis une société dans laquelle les femmes ont bien sûr toujours été dominantes, ceci justifié par la nature, la science, l'instinct maternel...
Naomi Alderman n'a pas cherché très loin le concept du pouvoir mais sait en saisir toutes les implications, les conséquences économiques, géopolitiques, les trafics illégaux, et fait un livre visuel qui finalement prend des airs de blockbuster intelligent.


Quelques soucis : l'auteure ne doit pas être une grande lectrice de science fiction car elle accumule quelques poncifs avec l'entrain du jeune écrivain qui croit écrire du jamais vu. Comme le personnage de la prophétesse, par exemple. Mais elle nous le fait accepter grâce à cette légèreté qu'elle met dans tout ce qu'elle décrit. Le viol féminin, ce n'est pas une première non plus, mais il est assez rare et la proposition ici est délectable. Quelques incohérences avec le prétexte du début, sûrement ajouté en fin d'écriture : s'il n'y a plus aucune connaissance de cette époque où la société était patriarcale, comment expliquer la connaissance des téléphones et de tous ces sites internet de notre époque, ou même la géopolitique ? Les interventions de dessins « préhistorique » rendent le concept bancal sur toute la durée.
Ce roman très ambitieux parvient à englober la planète entière dans son fantasme avec une grande sympathie pour son lecteur, au prix de quelques rustines voyantes, mais pour s'avérer un essai très convaincant sur les rapports entre les sexes, qu'il ne faudrait pas confondre avec le rapport au pouvoir.
Pequignon
7
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le 27 mai 2018

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Pequignon

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