Le pouvoir du chien est un roman publié par Thomas Savage en 1967. Écrit par un auteur ayant lui-même grandi dans un ranch du Montana dans les années 30, le roman nous plonge dans une ambiance Ouest agricole, en pleine phase de modernisation de l'activité d'éleveur. Alors que Phil et George Burbank, deux frères que tout oppose, vivent en harmonie dans la propriété familiale qu'ils ont récupérée de leurs parents, le mariage de George, le frère plus rustre de la paire, va provoquer la colère et la rancœur de Phil, habitué à diriger son petit monde avec une brutalité contenue, mordante et acide.
Le pouvoir du chien est une de ces fictions nord-américaines à la McCarthy ou à la Trevor Ferguson qui mettent en scène la vie rurale américaine ou canadienne avec une certaine brutalité rentrée, insistant sur la rudesse des mœurs, l'homosocialité forte et ses codes, peignant la nature et la vie avec la nature dans son espèce de fusion minérale. Avant que le drame intime n'explose réellement que dans les toutes dernières lignes, le rythme du roman se montre assez lent et l'enchaînement des épisodes entretient un aspect décousu assez coutumiers du genre, avec des descriptions pittoresques et des scènes avortées longuement développées.
Il faut réussir à aimer ce caractère chaloupé d'une intrigue qui progresse, un peu comme le cheval de son personnage, à l'amble. Les caractères des personnages sont massifs et ne se révèlent dans leurs faiblesses ou leur dangerosité que très ponctuellement, et il est parfois difficile de s'immerger jusqu'au fond dans cette littérature du dessous de table, où tout reste assez revêche.
A cet égard, il est significatif de noter qu'il est impossible de parler de ce qui fait l'intérêt du roman sans spoiler – quand bien même le spoil ne concerne à peu près que le dénouement stricto sensu –, et que la plupart des critiques et des synopsis s'en tiennent à une description du cadre. Tout ce qui donne un peu de saveur finale au roman repose donc
dans l'attraction – répulsion qui se dessine entre Phil, dont on découvre peu à peu qu'il est un homosexuel contenu, et Peter, le beau-fils de Rose, qui va mettre en place un plan (ultra vite expédié en fin de roman) pour tuer Phil après l'avoir séduit. Le caractère sirupeux, autiste, et inquiétant du jeune empoisonneur fasciné par le suicide de son père et par ses livres de médecine, le tout sur fond de désirs interdits et réprimés chez le cow-boy masculiniste, est pas mal livré, cela donne du relief.
Un regret personnel tout de même. L'intertextualité biblique se veut assez forte dans un roman nommé d'après un psaume et qui joue d'oppositions aussi fortes que la lutte larvée entre deux frères symétriques ou de thèmes aussi traditionnels que la dureté des cœurs ; on ne le sent pas toujours assez à la lecture.
En bref, une lecture tout à fait intéressante que ce pouvoir du chien, mais qui ne m'a pas emporté à fond du fait de sa composition peut-être trop diluante ; et, sans doute également, à cause de mon manque d'appétence personnelle pour cet univers américain.