Grosso modo notre problème serait l'ego. Il se renforce grâce à des constructions mentales ; notre passé, notre futur, nos émotions et nos sentiments. Notre ego fuit sans cesse le moment présent, alors que seul le moment présent existe. Fausse construction du moi, notre ego nous coupe de notre être intérieur.
C'est séduisant, convaincant. Il suffit de laisser passer nos émotions, de vivre le moment présent et le tour est joué. C'est même séduisant de se dire que quand ton ami te trahit et que ton boss est malhonnête, en fait c'est ton ego qui colle des étiquettes et construit une douleur fantome. Séduisant dans le sens où nombre de soucis du quotidien semblent pouvoir perdre de leur impact.
Sauf que dans la pratique c'est simpliste, et que le propos est contradictoire. En vivant dans le moment présent tout devient merveilleux, et Tolle prend souvent pour exemple les animaux (pas forcément dans cet ouvrage précis), mais expliquez-moi alors ce qui est merveilleux dans une fleur si ce n'est notre perception de cette fleur, notre sensibilité ? Donc notre ego. Car l'animal lui s'émerveille-t-il de tout ? Et pourquoi se réferer à Jésus, puisque si on va au bout du propos de Tolle, Jésus c'est de la petite bière ! Ne paase-t-il pas son temps à coller des étiquettes aux Pharisiens ?
Je discutais récemment avec un pasteur qui me disait qu'il ne faisait pas grand-chose de ses vacances et en éprouvait de la culpabilité. Il s'est converti il y a 20 ans, il est souriant, positif. Mais il vit les mêmes problèmes ordinaires que bien du monde. La différence entre lui et une grande part de nos contemporains, en dehors de parler de Dieu et de Jésus, c'est d'être porté vers l'autre, de ne pas être individualiste et amer, etc. Mais il a comme tout à chacun ses démotivations, ses lâchetés, ses déprimes.
C'est un travail, une hygiène de vie. Et la solution des guides spirituels qui consiste à claquer des doigts pour vivre dans la joie totale des télétubbies, genre "Ouvre les yeux la vie c'est merveilleux !"... non.
Alors oui Eckhart Tolle m'énerve, sur bien des points, mais tout n'est pas à jeter non plus. Son propos est simple, clair, facile à comprendre malgré les abstractions. Il permet de prendre conscience de biens des constructions mentales, de biens des conditionnements. Mais il simplifie parfois à outrance, notamment sur les relations humaines. Il y a peut-être de sa part une sorte de fuite pour éviter de souffrir, qui est devenue une philosophie relationnelle.