On ne saura jamais exactement pourquoi deux jeunes frères se sont retrouvés au fond d’un puits de sept mètres. Malgré un sac de provisions — pourquoi n’y toucheront-ils pas ? —, le Grand et le Petit — on ne leur connaîtra jamais d’autres désignations — n’auront pas d’autre échappatoire qu’eux-mêmes. L’intrigue tiendrait en quelques lignes et se déploie sur une vingtaine de chapitres, numérotés selon la liste des nombres premiers inférieurs à 100… On aura compris que "le Puits" ne répondra pas aux questions qu’il pose : « la voir heureuse et sans remords lui suffit pour comprendre qu’il ne savait pas tout » (p. 106). Il y a certes quelques indices. Qui ne font qu’assombrir et noircir l’ensemble.
Sombre, noir, le récit n’est pourtant jamais obscur — et par ailleurs bien plus modeste dans sa complexité que du Mark Danielewski, par exemple. Des éléments traditionnels du conte, Iván Repila fait pour les adultes quelque chose de cauchemardesque, de vacillant, de volontiers macabre, quelque chose de jamais rassurant où la folie et la lutte pour la survie se mêlent. On ne dérobe pas sans conséquences le cheval d’Attila… Dans sa brutalité énigmatique et plus ou moins feutrée, "le Puits" peut faire penser aux meilleures paraboles de Kafka — « Les Portes de la loi », « Le Terrier ». Ça vieillira très bien.
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