Si tu pensais que la culture pouvait sauver le monde, Sorj Chalandon est là pour te rappeler que parfois, elle se prend juste une rafale de Kalachnikov en pleine face.
L’idée de départ est aussi folle que géniale : un metteur en scène rêve d’adapter Antigone… au Liban, en pleine guerre civile. Le casting ? Des combattants de tous bords, Palestiniens, Druzes, Chrétiens, Chiites… Le but ? Les faire jouer ensemble, une trêve le temps d’une représentation, une utopie où la scène devient un territoire neutre. Bref, ramener un peu de poésie là où il ne reste que du sang et des ruines.
Mais très vite, on comprend que l’Histoire n’aime pas trop les belles idées. Le héros, Georges, idéaliste de service, se retrouve aspiré dans un engrenage de violence où le rêve de son ami mourant se heurte à une réalité brutale : la guerre n’a pas de spectateurs, et il n’y a pas de quatrième mur pour protéger ceux qui essaient d’en sortir.
Sorj Chalandon écrit comme un journaliste de guerre qui aurait troqué son appareil photo contre une plume trempée dans le sang et la poussière. Son style est sec, percutant, sans fioritures, et chaque page te plonge un peu plus dans le chaos de Beyrouth, entre les snipers, les massacres et les illusions qui s’effondrent. C’est beau, c’est dur, c’est implacable.
Alors oui, ce n’est pas une lecture qui te laisse indemne. C’est intense, parfois étouffant, et la violence décrite frappe fort, sans prévenir. Georges, lui, est un personnage poignant, mais aussi agaçant dans son aveuglement : à quel moment réalise-t-il que la guerre ne joue pas le jeu du théâtre ?
Bref, Le Quatrième Mur, c’est un roman puissant qui parle d’utopie, de désillusion et de l’impossibilité de rester neutre au milieu du fracas des armes. Un livre qui te prend à la gorge, te secoue, et te laisse avec cette question en suspens : que reste-t-il de l’espoir quand il ne reste plus rien ?