Le temps des grands romans de Philip Roth est sans aucun doute révolu, quoique avec cet animal littéraire-là, l'affirmation pourrait être contredite. Le cas Roth n'est peut-être pas encore cuit. Mais, désormais, il faut s'habituer à des récits courts, qui semblent hantés par les mêmes thèmes : l'assèchement de l'inspiration, la mort et le sexe, ce dernier pouvant éventuellement retarder le précédent. Le rabaissement est un livre simple, linéaire, qu'une lecture rapide pourrait inciter à taxer de terne, donc indigne de l'auteur de La tâche. C'est aller trop vite en besogne. Son héros, Roth a beau prétendre le contraire, on a du mal à ne pas y voir un double de fiction, est mal en point. Un artiste, acteur shakespearien qui a perdu sa "magie" et tout envie de remonter sur scène. Un candidat au suicide idéal, qu'un bref séjour en hôpital psychiatrique ne guérit pas vraiment. Telle une "déesse ex machina", apparaît alors une femme qui, bien que lesbienne, ne se fera pas trop prier pour accéder au lit du mal portant et l'inviter à quelques jeux épicés. Eros terrassant Thanatos ? Sans révéler le dénouement, disons que ce ne sera pas tout à fait le cas. Malgré un pessimisme de fond et un moral bas dans les chaussettes, Le rabaissement n'est pas funèbre. Le ton est enlevé, les dialogues souvent drôles et la dérision toujours au rendez-vous. Pour citer deux critiques, excessifs chacun à leur façon, ce n'est ni un "Roth au rabais", ni un "Diamant noir". Rien d'autre que le roman d'un écrivain vieillissant qui a toujours des choses à raconter et les mots justes pour les dire.