C'est une évidence chez Bukowski, mais j'ai mis du temps à m'en rendre compte, j'ai mis du temps à le voir, et c'est pas faute de l'avoir lu : c'est un chevalier. À ma faible connaissance, personne n'a jamais décrit le peuple comme il l'a décrit. Personne n'a jamais saisie et capturée la misère humaine de son temps tel que lui l'a saisie et capturée. De cette façon, il a œuvré d'une bien belle façon, pour l'humanité.
Il était pauvre. Il était crasseux. Il était alcoolique, cela le rendait parfois violent. Mais il avait l'œil et la plume permettant de rendre compte, à la perfection, de son temps. Il ne s'est jamais laissé prendre par le misérabilisme, il a pourtant connue la misère, mais il l'a décrite sous tous ses aspects, les plus ignobles comme les plus enchanteurs. Car oui, il y a de l'enchantement autant dans le jeune enfant battu que dans le clochard rincé par la vie... Il jugeait peu, décrivait beaucoup, documentant le prolétariat, ses us, ses mœurs, sa vie.
Sauvé par les livres, il a peut-être voulu sauver ses semblables par son écriture, afin de rendre justice, même s'il n'avait rien d'un justicier, afin de montrer à tous ces putains de snobinards que l'Art n'appartenaient pas qu'à eux, et que même le gueux pouvait créer, que les petites gens n'ont pas besoin de chevaux et de voitures de luxe pour se divertir, qu'ils sont capables d'aimer tout autant, sinon plus, que les plus riches. Ils sont capables. Ils existent. Nous existons...
Charles, vieux salaud, tu me manques. J'aurais aimé te connaître, te parler, avoir des discussions avec toi, connaître toutes tes histoires, ta vie, te remercier, de vive voix. Mais tu n'es plus là. Tu n'écris plus... et tu me manques. Et tu ne reviendras pas.
Adieu, bluebird.