Une belle découverte que cette auteure dont on parle beaucoup ces temps ci avec la sortie d’ « Une bête au paradis ».
L’écriture très maîtrisée de Cécile Coulon m’a séduit dés le premier chapitre. Tout est dit à mots couverts et suggéré plutôt qu’énoncé, entre ellipses et métaphores, et ce dés le départ : un drame sous-jacent menace une famille de Haven, bourgade perdue de l’Amérique rurale, dans les années cinquante dirait-on, car rien n’est explicite. On pense à Steinbeck assurément et l’on est surpris par l’univers très affranchi, décalé, de Cécile Coulon, et par sa faculté de nous transporter dans un autre pays, à une autre époque.
L’atmosphère sombre et fataliste de ce livre m’a beaucoup plu ainsi que le rapport à une nature sauvage, toujours très présente. Au fil des pages, j’ai ressenti beaucoup d’empathie pour Thomas Hogan, le personnage principal de ce conte, tant le récit de sa brève existence, de sa naissance au drame qui le frappe à l’aube de sa vie adulte, m’a semblé tendu vers l’irrémédiable dénouement. Thomas est né d’un père austère et violent, bourreau de travail, qui dés son plus jeune âge le dénigre, et d’une mère exemple d’abnégation, aimante toutefois, peut-être trop. Nous n’aurons jamais le moindre espoir que Thomas s’en sorte. Tout le condamne : son caractère trop sensible et son physique trop fragile, «son corps ressemblait à une guitare mal accordée », le destin de son père, mort des suites d’une gangrène, dont Thomas ne parviendra guère à s’absoudre du jugement sévère. Un père pour lequel il ira, comme un rituel, sur la tombe tous les dimanche pour lui prouver qu’il n’est pas un mauvais fils : « il ne pouvait pas passer entre les mailles du filet, les enfants doivent venir pleurer leurs parents disparus, quand bien même leurs yeux seraient aussi secs qu’un nid de tourterelles ». Il n’échappera pas non plus à une amitié toxique, celle qui le lie à Paul et qui deviendra par la suite la relation conflictuelle à l’origine de sa perte.