Ne vous fiez pas à la quatrième de couverture, c’est sans doute l’une des pires que Le Livre de Poche ait jamais pu écrire pour résumer ses bouquins. Non seulement elle fait des révélations que l’on est censé découvrir au milieu du roman, mais elle est remplie d’inexactitudes, notamment le job de livreur de pizza que le personnage principal n’occupe que dans les premières pages d’un livre qui en fait 720…
Remarque d’une certaine manière c’est aussi un « résumé » qui pourrait vous aider à un ou deux stades de votre lecture, car on comprend très vite que Neal Stephenson est écrivain comme il est informaticien : on ne comprend rien à ce qu’il fait.
Affirmer qu’on ne comprend rien au Samouraï virtuel est quelque peu péremptoire, mais c’est hélas ce qui se rapproche le plus de ce sentiment de lecture, car si on comprend globalement son intrigue, ce roman est finalement comme un ordinateur : un entortillement indigeste de récits et de personnages aussi vite introduits et mis en situation qu’oubliés, qui s’enchaînent en des transitions souffreteuses, un récit rempli de trop de termes et de sigles que Stephenson explique rapidement avant de les réutiliser comme si on était en mesure de mémoriser tout son flot d’informations. Et on se perd rapidement pour ne plus suivre que le fil rouge sans parvenir à prêter plus d’attention aux points de détail.
Pour un roman de SF aussi polymorphe qu’il parvient à réunir audacieusement des thématiques cyberpunk et dystopiques, en ajoutant une touche d’histoire ancienne et de mythologie sumérienne, adjoint d’un labyrinthe administratif que Kafka n’aurait pas dédaigné, on a le trop vif sentiment que certains aspects de cette société si particulière manquent d’une audace qui leur serait plus inhérente. Le Métavers en lui-même, que l’on sait dès le départ d’une richesse et d’une importance capitales dans le déroulement de l’intrigue, passe vite au second plan, et tout semble finalement ne rendre cette réalité virtuelle qu’un prétexte pour mieux exploiter les risques du snow crash sur une sorte de monde réel en pleine guerre des gangs et en période d’obscurantisme médiatique. Quelle place occupe finalement le métavers dans ce cambouis ? Ce n’est plus que le lieu où l’on découvre le snow crash et où Hiro fait ses recherches, sans fournir plus d’action ni offrir plus du raffinement esthétique que l’univers informatique est de nature à proposer. Le développement sur les tablettes et les mythes sumériens est habilement assimilé à la piraterie informatique, mais à quel moment Stephenson parvient-il à rendre cela intéressant, noyé dans ses affèteries langagières ?
Si on assemble tout ça sous la traduction misérable de Guy Abadia, ce n’est pas ce qui rendra la sauce plus digeste, avec ses répétitions lexicales, ses surenchérissements adjectivaux et sa syntaxe plus que douteuse.
De manière générale ce n’est même pas qu’une question de style, car comment Abadia aurait pu dynamiser un récit s’embourbant tant dans ses thématiques SF, un univers littéraire aussi plat et maniéré, une intrigue aussi peu captivante, ne créant aucun réel suspense ni profonde réflexion, une narration au présent très mal servie par un style ultradescriptif servant à décrire beaucoup d’action, un langage familier peu adapté à des dialogues parfois si artificiels, d’une réalité virtuelle si ridiculement irréaliste même pour de la SF ?
En tout cas, la science-fiction peut se targuer de « classiques » et de « romans cultes » plus altiers, ça c’est certain