« Avez-vous déjà eu vraiment peur en lisant un livre ? » nous demande, non sans prétention, la quatrième de couverture du Signal… Eh bien oui, cher bouquin, j’ai déjà eu peur en lisant un livre, c’est même généralement ce que je recherche dans mes lectures. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que ce n’est pas avec toi que j’ai trouvé satisfaction.
Pour vous expliquer pourquoi, voici une citation de Stephen King (cœur cœur) tirée son essai Anatomie de l’horreur – Danse Macabre en version originale :
« Je reconnais que la terreur est la plus raffinée de ces trois
émotions […] et je m’efforce donc de terrifier le lecteur. Mais si je
me rends compte que je n’arrive pas à le terrifier, j’essaie alors de
l’horrifier ; et si ça ne marche pas non plus, je suis bien décidé à
le faire vomir. Je n’ai aucune fierté. »
Et voilà le premier problème que j’ai rencontré dans ma lecture : Maxime Chattam ne terrifie pas le lecteur, il le dégoûte avec des mises en scène sordides… Tellement sordides qu’elles en deviennent parfois grotesques. (Je pense notamment au passage où une femme est lacérée à mort dans sa baignoire par ses rasoirs ; rasoirs qui sont, soit dit-en passant, comparés à des spermatozoïdes roses.)
Si j’ai choisi une citation de Stephen King pour illustrer mes propos, ce n’est pas (seulement) pour le plaisir de citer mon auteur préféré et de vous parler de lui dès que j’en ai l’occasion, c’est également parce qu’il est, d’une certaine manière, omniprésent dans Le Signal. Lui, mais aussi apparemment d’autres grands noms de l’horreur comme H.P. Lovecraft ou Graham Masterton… Je ne m’y connais pas assez pour avoir remarqué les « clins d’œil » faits à ces auteurs (sauf évidemment pour l’asile psychiatrique d’Arkham, qui porte le même nom que la ville imaginaire créée par Lovecraft), par contre, on peut dire que je m’y connais plutôt bien en Stephen King… Et combien de fois je me suis retrouvée à lever les yeux au ciel tant les références à ses œuvres sont visibles et pas subtiles pour un sou.
Je ne vais pas compter le groupe de gosses qui vivent des aventures estivales et se battent contre des forces qui les dépassent comme étant des références à la nouvelle Le Corps ou au Club des Ratés de Ça, sinon, tous les enfants présents dans les romans d’horreur seraient des plagiats du King… Par contre, quand lesdits gosses se mettent à combattre lesdites forces dans les égouts… Là ça devient un peu limite. Et la limite est carrément dépassée quand un des personnages du Signal dit qu’il vient de Derry, la ville fictionnelle créée par Stephen King dans laquelle se déroulent plusieurs de ses histoires, notamment Ça et Insomnie. (Il me semble qu’il est également fait référence à un « clown avec des ballons », mais si vous croyez que je vais retrouver ce roman à la bibliothèque et le relire juste pour vous le confirmer… Alors vous n’avez pas compris à quel point je n’ai pas aimé ce livre.)
Je vous passe rapidement les ̶p̶l̶a̶g̶i̶a̶t̶s̶ « clins d’œil » faits à Shining et à Simetierre (le père dramaturge en panne d’inspiration qui emménage dans une maison hantée et dont la découverte de vieux documents va encourager l’écriture de la prochaine pièce ; la famille qui prend un nouveau départ et rencontre un vieux et charmant voisin à l’accent prononcé et qui en sait bien plus que ce qu’il ne laisse paraître) et aux nombreux autres romans du King, sinon cet article serait bien trop long, et il faut passer à la suite !
Alors OK, soit, faisons-nous l’avocat du Diable : Maxime Chattam veut faire du Stephen King ? Je le comprends, il a bien raison : quitte à ressembler à quelqu’un, autant viser le haut du panier. Maintenant, pour faire une bonne histoire d’horreur, il ne suffit pas d’éparpiller des dizaines de références à d’autres romans à succès ici et là : il faut aussi que les personnages, l’histoire et l’atmosphère aient leur propre identité… On a déjà dit que pour l’ambiance, c’était raté, l’auteur préférant le gore à l’horreur, mais pour le reste, le Padawan est-il à la hauteur du maître ?
Le point fort de Stephen King est, selon moi, ses personnages : il réussit toujours à les rendre attachants ou intéressants, qu’il soient jeunes, vieux, gentils, exécrables, médecins , écrivains, collégiens… (Mais surtout écrivains, on ne va pas se mentir.)
Il est capable à la fois de se mettre dans la peau d’un retraité insomniaque, d’une collégienne mal dans sa peau, d’un gardien de prison dépassé par les évènements… Et de décrire leurs pensées et leur sentiments avec réalisme, justesse et complexité.
Ici, les personnages du Signal sont trop peu développés, unidimensionnels : la baby-sitter est sympa et mignonne ; le flic est un peu paumé et a un passif compliqué ; la mère est une sorte de Superwoman qui s’occupe de sa famille, de son travail et sauve les demoiselles en détresse des grands méchants violeurs dans la même journée… Et ils ne sont rien de plus. Rien de très original ni de complexe là-dedans.
Même les gosses (J’A-DORE les gosses dans les romans d’horreur, au cas où vous ne le sauriez pas encore) n’ont rien d’attachant et n’ont pas réussi à sauver le roman pour moi…
Et il en va de même pour l’histoire.
Non, en fait c’est encore pire pour l’histoire, parce que si je n’ai pas spécialement apprécié les protagonistes, l’intrigue m’a donné envie de m’arracher les cheveux : d’abord parce qu’il ne se passait rien, ensuite parce qu’il se passait trop de choses… Mais surtout parce que dans tous les cas, je m’ennuyais à mourir.
L’auteur a beau recourir aux scènes choquantes, à différents points de vue et aux enquêtes multiples et croisées… J’ai trouvé ça terriblement long et ennuyeux. Et quand l’ouvrage fait 750 pages, et que, comme moi, vous n’aimez pas abandonner une lecture en cours de route, ça fait mal aux fesses.
Tout ça pour un final qui ne m’a pas convaincue, qui tombe rapidement dans la surenchère et que je trouve peu crédible.
Bref, n’est pas Stephen King qui veut.
Bon, avec cette chronique plutôt salée, je n’ai pas été très tendre avec ce pauvre Maxime Chattam, voire même un peu vache… Pourtant en réalité, je n’ai rien contre le bonhomme ! Je suis sûre qu’il est très sympa (non en fait j’en sais rien) et je pense qu’il n’a plus grand-chose à prouver dans le paysage littéraire français, alors je vois au final ce roman comme un hommage très maladroit aux auteurs qu’il aime plus que comme un plagiat honteux… Mais au-delà de ça, Le Signal reste un roman qui m’aura profondément ennuyée, avec des personnages qui ne m’ont pas plu et une histoire trop longue ET tirée par les cheveux. Pour autant, je ne perds pas l’espoir de découvrir un roman de Maxime Chattam qui me plaira un jour, et j’ai même hâte de me plonger dans sa saga de l’Autre Monde, on ne cesse de me chanter les louanges…
Et qui sait, peut-être qu’un jour, je me trouverais moi aussi du côté des fans de celui que l’on surnomme le « Stephen King français » !
(À tort selon moi. He he.)
https://moonlight-reads.com/le-signal-de-maxime-chattam-entre-hommage-et-plagiat