Comment ne pas prendre un suave plaisir à lire Le silence et la colère, la suite du feuilleton de la famille Pelletier, située cette fois en l'année 1952 ? Savoureuse, édifiante et passionnante. Le style de Pierre Lemaitre est toujours aussi efficace, son art des portraits imparable et sa capacité à enchevêtrer les intrigues virtuose. Le tout s'appuie sur une riche documentation comme le montre la partie inspirée par la noyade de Tignes ou, plus anecdotiquement, l'enquête de Françoise Giroud consacrée à l'hygiène des femmes. L'auteur passe d'un personnage à un autre avec une maestria confondante, obligeant le lecteur à suspendre son intérêt pour une histoire quelques pages, le temps de reprendre d'autres tout aussi palpitantes. Le roman intègre avec acuité les préoccupations sociales et le quotidien des Français dans cet après-guerre où débutent les trente glorieuses. Des épisodes peu glorieux, il y en a beaucoup, comme les sordides enquêtes pour débusquer les avortements clandestins, l'exploitation des ouvrières par des patrons peu scrupuleux ou encore les faits divers dont la presse fait ses choux gras. Tout cela converge dans un irrésistible torrent romanesque qui nous fait aussi assister à des combats de boxe au Liban ou encore aux difficultés sentimentales de ses principaux protagonistes. C'est une véritable fresque humaine ou le silence et la colère n'empêchent ni l'émotion ni l'humour d'un écrivain plus que jamais maître d'une saga dont on trépigne déjà de connaître la suite.